Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept, réunis à New York en marge de l'Assemblée générale annuelle de l'Onu, «ont exprimé clairement leur solidarité à l'égard de la France», a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Pour eux, la dispute franco-américaine autour de l'annonce d'une alliance indo-pacifique entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie «affecte» toute l'UE» par ses implications stratégiques, a-t-il expliqué.
Joe Biden, arrivé le 20 septembre à New York pour sa première Assemblée générale des Nations unies, a de son côté pris les devants en promettant de rouvrir les frontières américaines, fermées aux Européens depuis plus d'un an pour cause de Covid. Si la décision a été prise sur des bases sanitaires, la solution trouvée est aussi le fruit de la diplomatie, a glissé un haut responsable américain, laissant entendre que le timing n'était pas sans lien avec la crise transatlantique.
Un lot de consolation peu goûté par Paris. «C'est une bonne chose. Pourquoi viens-tu si tard?», a ironisé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, lors d'une conférence de presse en rappelant que c'était une demande de longue date des Européens.
À New York, Joe Biden va pouvoir mettre en avant le «retour» de l'Amérique comme partenaire fiable auprès de ses alliés malmenés pendant quatre années de mandat de Donald Trump.
Mais son message est brouillé depuis son annonce, le 15 septembre, d'un pacte de sécurité conclu avec l'Australie et le Royaume-Uni pour contrer Pékin, surnommé AUKUS. Ce nouveau partenariat a mis le feu aux poudres transatlantiques, car il s'est fait dans le dos des Français, qui ont perdu un énorme contrat de sous-marins commandés par Canberra.
Jean-Yves Le Drian a dénoncé, comme il le fait depuis plusieurs jours mais cette fois sur le sol américain, une décision «brutale», un «défaut de concertation», et une «rupture de confiance entre alliés». Cela s'apparente aux «réflexes d'une époque que nous espérions révolue», a-t-il martelé, dans une nouvelle allusion claire à l'ère Trump.
La France, qui a rappelé ses ambassadeurs à Washington et Canberra dans un geste sans précédent, reste vent debout contre cette «trahison». Elle avait déjà reçu plutôt dans la journée le soutien des dirigeants de l'UE.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a jugé «inacceptable» la manière dont Paris a été «traitée», dans un entretien sur la chaîne américaine CNN.
Le président du Conseil européen Charles Michel a aussi dénoncé un «manque de loyauté» des États-Unis et plaidé pour un renforcement de la «capacité d'action» de l'UE sur la scène internationale.
Les ministres des Vingt-sept ont aussi fait le point sur la «présence européenne» en Afghanistan afin de faciliter les évacuations d'Afghans menacés par les talibans et l'apport d'une aide humanitaire dans le pays, a indiqué Josep Borrell, sans plus de précisions.
Le retrait chaotique d'Afghanistan imposé par Joe Biden a aussi suscité plusieurs grincements de dents sur le Vieux Continent.
Londres et Washington avaient déjà tenté pendant le week-end d'amadouer leur allié français.
«Notre amour de la France est inébranlable», a déclaré le Britannique Boris Johnson dans l'avion qui l'emmenait à New York.
Face aux demandes de «clarification» de Paris et de Bruxelles, le président Biden est «impatient» de parler «de la voie à suivre» au téléphone avec son homologue français Emmanuel Macron, qui a lui renoncé à se rendre à New York, a déclaré un haut responsable américain, confirmant que le dirigeant démocrate avait demandé un tel entretien.
«Nous comprenons la position française» même si «nous ne la partageons pas», a-t-il ajouté.
Ce coup de fil très attendu aura lieu «dans les jours qui viennent», a seulement dit Jean-Yves Le Drian, glissant qu'il n'avait pas, pour sa part, «prévu de rendez-vous» avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
De fait, l'agenda américain apparaît comme un résumé des priorités diplomatiques de la Maison Blanche.
Joe Biden n'a prévu de rencontrer mardi, en marge de la réunion onusienne, que le Premier ministre australien Scott Morrison, avant de recevoir le chef du gouvernement britannique Boris Johnson à son retour à la Maison Blanche. Antony Blinken s'est lui entretenu lundi avec sa nouvelle homologue britannique Liz Truss.