"Impensable d'avancer": la France torpille l’accord de libre-échange entre l’UE et l’Australie

Après une rupture de confiance suite à la crise des sous-marins entre l’Australie et la France, l’Union européenne ne serait pas en mesure de continuer ses négociations sur l’accord de libre-échange avec Canberra, a fait savoir le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Sputnik
La rupture du «contrat du siècle» entre la France et l’Australie, qui concernait la livraison de sous-marins français à Canberra, aura des conséquences dans d’autres domaines. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, a prévenu du sort qui attendait l’accord de libre-échange entre l’UE et l’Australie.
«Rester fidèle à sa parole est la condition de la confiance entre démocraties et entre alliés. Il est donc impensable d'avancer dans les négociations commerciales comme si de rien n'était avec un pays en qui nous n'avons plus confiance», a-t-il déclaré à Politico le 19 septembre.
Bien que théoriquement la Commission européenne ait le droit de mener les négociations sur cet accord au nom des 27 États membres de l’UE, en pratique elles seront impossibles sans l’approbation française.

Réserves françaises

Les négociations pour l'accord de libre-échange entre l’UE et l’Australie durent depuis presque six ans, depuis novembre 2015, et Canberra espérait les finaliser avant la fin 2021. Jusqu’à présent, l’UE avait tenu 11 étapes de pourparlers avec l’Australie.
Mais bien avant le conflit des sous-marins, la France avait émis des réserves sur la pertinence de cet accord qui ouvre le marché européen, et donc français, à Canberra.
L’Australie est l’un des principaux exportateurs de produits agricoles, notamment de viande ovine, bovine et de produits laitiers. Le pays exporte 64% de sa viande bovine, tandis que la France exporte seulement 17% de ses produits, selon une étude commandée par le ministère français de l’Agriculture en novembre 2020. Déjà à cette date les conclusions de cette étude constataient qu’une levée des restrictions douanières suite à l’accord de libre-échange avec l’Australie «ferait peser des risques significatifs sur les filières françaises et européennes, sans présenter de réelles opportunités».

Jeu stratégique

La position française est partagée par d’autres acteurs européens. D’après Bernd Lange, président du comité du Parlement européen sur le commerce international, «la volonté de compromis, du côté européen, a certainement diminué». Sur Politico, il avance que l'accord de l’Australie avec les États-Unis envoie également des «signaux de politique industrielle hostiles à l’encontre de l'UE».
D’autres membres de l’UE, tels que l’Irlande, essaient de relativiser. Robert Troy, le ministre irlandais du Commerce, admet que la rupture du contrat «jouera un rôle» et «influencera les discussions futures». Pourtant «dans l'intérêt à long terme, il sera toujours extrêmement bénéfique de conclure l'accord de libre-échange entre l'UE et l'Australie», a-t-il insisté auprès de Politico.
Le 15 septembre les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni ont annoncé un partenariat stratégique pour contrer la Chine, ce qui comprend la fourniture de sous-marins à propulsion nucléaire américains à Canberra.
Ce partenariat évince la France qui avait signé en 2016 un contrat de 56 milliards d'euros pour 12 sous-marins à propulsion diesel avec l'Australie, auxquels Canberra a renoncé. Le 17 septembre, agacé par la décision australienne, Paris a rappelé ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie, un geste sans précédent vis-à-vis de deux alliés historiques.
Discuter