Une statue d’esclave recouverte de plâtre à Bordeaux, la mairie dénonce le racisme puis rétropédale – photos

Un étudiant aux beaux-arts a recouvert de plâtre la statue de Modeste Testas, esclave haïtienne, à Bordeaux. Jugeant cet acte raciste, la mairie a déposé une plainte qu’elle a retirée après avoir appris qu’il s’agissait d’un moulage et non d’un acte raciste. L’association Mémoires et Partage maintient la sienne, dénonçant un «délit».
Sputnik
Après avoir retrouvé la statue de l’esclave haïtienne Modeste Testas recouverte de plâtre, la mairie de Bordeaux a déposé une plainte pour racisme avant de la retirer. Pour cause, le témoignage de l’auteur des faits qui affirme n’avoir effectué qu’un moulage.
Symbole de la mémoire de l’esclavage, cette statue a été retrouvée dégradée le 13 septembre et la mairie rapidement alertée, rapporte Sud Ouest.
Repeindre en blanc le visage d’une femme noire a été qualifié de «très grande violence» par le conseiller municipal en charge du patrimoine et de la mémoire, Stéphane Gomot, interrogé par le quotidien régional.
«C’est un déni total de la souffrance des personnes esclaves qui ont été déportées et une insulte à leur mémoire», peste-t-il.

«Une grosse bêtise»

L’un des enseignants de l’intéressé a par la suite informé la direction des affaires culturelles de la ville pour démentir le motif raciste de l’acte, rapporte France 3 Nouvelle-Aquitaine:
«L'étudiant l'a fait de sa propre initiative. Il est sensible à la question décoloniale, surtout de par ses origines. Il est profondément anti-raciste», assure le professeur, tout en dénonçant «une grosse bêtise».
Selon Rue 89 Bordeaux, qui a interrogé l’auteur du moulage, il s’agit d’un étudiant de l’École des Beaux-Arts qui menait un travail sur «l’héritage colonial et esclavagiste» de la ville et qui voulait reproduire le buste de la statue pour «la rendre plus visible».

Dégradation ou non?

Suite à ces annonces, les autorités municipales ont informé avoir retiré leur plainte pour racisme dans un communiqué datant du 14 septembre. La mairie a toutefois déclaré qu’elle «ne saurait accepter et cautionner cette initiative isolée et pour le moins malheureuse qui a heurté nombre d’observateurs attachés à la mémoire que représente cette statue».
L’obligation du strict respect du patrimoine culturel présent sur l’espace public a été rappelée par la ville.
Bien que la mairie ait utilisé le mot «dégradation» dans son communiqué, l’enseignant rejette ce terme auprès par France 3 Nouvelle-Aquitaine:
«Il n'y a pas de dégradation de la statue, le plâtre s'en va à l'eau».
Contactée par Sputnik sur une éventuelle participation de l’étudiant au nettoyage de la statue et le risque de poursuites judiciaires à son encontre, la municipalité n’a pas encore répondu.
Selon l’article 322-3-1 du Code pénal, «la destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende» lorsqu’un tel acte est commis, entre autres, sur un immeuble ou un objet mobilier inscrit à la liste du patrimoine, ou encore sur un objet culturel mobilier.
L’association Mémoires et Partage a toutefois maintenu sa plainte, pointant «un délit […], malgré le caractère "artistique" avancé par l’auteur».
Œuvre du sculpteur haïtien Filipo, la statue en bronze représente Modeste Testa, née Al Pouessi, achetée par deux frères bordelais au XVIIIe siècle puis affranchie. Le monument a été inauguré le 10 mai 2019, journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition. Elle a été érigée sur les quais de la Garonne, devant la Bourse maritime.
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