Maintenant que le nombre de contaminations est en baisse en France métropolitaine, il fait face à une nouvelle crise: celle d'une partie du personnel qui préfère raccrocher la blouse plutôt que de se faire vacciner, comme la loi les y oblige depuis ce mercredi.
Six ou sept soignants (aides-soignants ou infirmières) lui ont fait savoir ou laissé penser qu'ils ne comptaient pas recevoir de première dose avant le 15 septembre. Ce qui représente trois à quatre postes non pourvus par jour.
En parallèle, les agences d'intérim lui ont dit avoir enregistré des dizaines de défections liées à l'obligation vaccinale, ajoutant qu'elles ne seraient pas en mesure de lui fournir autant de remplaçants qu'il le souhaiterait.
«On a le sentiment de vivre une troisième vague, mais plutôt une vague RH, avec beaucoup de salariés, compétents, appréciés, qui sont parfois dans nos équipes depuis des années, et font le choix de ne pas se faire vacciner», raconte-t-il à Reuters.
«Ça vient déstabiliser les établissements qui ont été passablement chahutés depuis 18 mois», ajoute-t-il.
Jongler sur les plannings
Selon les derniers chiffres officiels, 89% du personnel dans les établissements de santé ainsi que dans les Ehpad avaient reçu une première dose en date du 12 septembre. Cela signifie que 11% du personnel pourrait être mis à pied à partir de ce mercredi.
Ces départs ajoutent une tension supplémentaire dans un secteur qui connaît déjà de grosses difficultés de recrutement. On estime à 100.000 le nombre de postes non pourvus dans les établissements de santé, selon la Fédération de l'hospitalisation privée. Et près d'un Ehpad sur deux peine à trouver de la main-d'œuvre, selon la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (Drees).
Plusieurs hôpitaux, notamment en région, ont déjà fait savoir dans les médias qu'ils allaient devoir fermer des lits en raison d'une pénurie de salariés.
À Terre-Nègre, l'un des plus gros Ehpad associatifs de France, 2% des effectifs n'ont pas de schéma vaccinal complet. Mais perdre, ne serait-ce qu'une personne, est dommageable pour les équipes, estime Fabienne Videau, infirmière cadre.
Le personnel jongle quotidiennement pour combler les trous liés à l'absentéisme et aux problèmes de recrutement. Beaucoup de salariés font aussi des heures supplémentaires, met-elle en valeur.
«Si on ne peut pas remplacer ces soignants qui s’en vont, le travail va se reporter sur les autres, et moi j’ai peur d’un cercle non vertueux, avec de la fatigue, de l’usure et une augmentation de l’absentéisme», prévient Emmanuel Chignon.
Partir aux îles Canaries
Parmi ceux qui sont prêts à quitter leur profession, figure Emmanuel Malinowski, aide-soignant de 35 ans, qui travaille dans l'établissement depuis cinq ans.
Il remettra sa blouse mercredi après sa journée de travail «à contrecœur», car il aimait son métier, fait-il savoir. Mais l'obligation vaccinale a été l'annonce de trop.
Cela fait des années que le personnel des Ehpad réclame des moyens supplémentaires pour travailler dans des conditions plus convenables sans que la situation n'évolue, explique-t-il.
«Je faisais l’effort, malgré tout, de faire ce métier-là parce que c’est vrai que c’est un métier qui me correspond vraiment», raconte-t-il. «Mais après les deux ans de crise qu’on a vécus dans les soins, ça a été la goutte d’eau.»
Pour l'aide-soignant, la vaccination contre le Covid-19 doit relever de la liberté de choix, d'autant plus que, selon lui, nous n'avons pas beaucoup de recul sur le vaccin. Il dit, en revanche, faire très attention aux résidents en respectant bien les gestes barrières.
Lui qui n'a pas pris de congés depuis mars 2020, pour être présent pendant la crise, vient de prendre un billet simple pour les îles Canaries. Il peut passer au moins trois mois sur place sans entamer ses économies et verra pas la suite quelle orientation professionnelle il envisage de prendre.
Le directeur de l'Ehpad, quant à lui, espère surmonter cette crise en embauchant des apprentis et améliorer la qualité de vie au travail de ses salariés en investissant dans du matériel. Mais il dit avoir besoin d'un coup de pouce.
«Ce sont des moyens conséquents et on souhaiterait être davantage accompagné par les pouvoirs publics», déclare-t-il.