Les polémiques sur la représentation des minorités n’en finissent plus d’agiter le petit monde de la musique classique. Après les «blackface» du théâtre du Bolchoï et les manifestes antiracistes à l’Opéra de Paris, voici que les controverses s’exportent outre-Manche.
L’English Touring Opera (ETO), compagnie itinérante donnant plus d’une centaine de représentations par an, a en effet décidé de ne pas renouveler les contrats de plusieurs musiciens blancs, rapporte le Daily Mail. L’institution a expliqué sa démarche dans un courrier envoyé à 14 de ses membres, tous blancs, âgés de 40 ans à 60 ans.
«L’ETO s’est engagé à accroître la part de diversité dans son équipe. Bien que des progrès appréciables aient été réalisés, nous donnons la priorité à l’augmentation de cette diversité dans l’orchestre», explique ainsi la direction dans une lettre relayée par le Daily Mail.
L’institution ajoute vouloir se conformer aux directives de l’Arts Council England, qui finance l’orchestre à hauteur deux millions d’euros. Problème: l’autorité culturelle assure au quotidien ne pas avoir été mise au courant de la situation. Des discussions sont en cours afin de s’assurer qu’aucun critère de financement n’a été enfreint.
Du côté des syndicats, la colère est palpable. Dans un communiqué, le Musicians' Union a ainsi dénoncé une décision «inattendue et brutale», soulignant que la promotion des minorités devait se faire de manière «juste et légitime» et non en «virant la moitié d’un orchestre». Le syndicat rappelle que certains des musiciens congédiés travaillaient pour la compagnie depuis plus de 20 ans, et lui étaient restés fidèles malgré leur statut d’indépendant.
Un mouvement de fond
De semblables polémiques ayant trait à la diversité avaient déjà agité l’Opéra de Paris en début d’année. Il n’était pas alors question de licencier des musiciens ou des danseurs, mais de revoir la programmation culturelle.
Alexander Neef, directeur de l’institution, avait notamment soulevé un tollé en déclarant au Monde que certaines œuvres allaient «disparaître du répertoire» et qu’une «rénovation profonde» allait être mise en œuvre pour mieux représenter les minorités. Des propos qui avaient fait craindre à certains une mise au placard des ballets classiques, comme Casse-Noisette ou Le Lac des cygnes.
Sur Twitter, Marine Le Pen avait notamment dénoncé le retour à une forme d’«obscurantisme», instauré au nom des luttes antiracistes.
En janvier dernier, le trompettiste Ibrahim Maalouf s’était également plaint du manque de diversité dans les orchestres philharmoniques, notamment celui de Vienne, l’un des plus prestigieux au monde.
Il s’était attiré les foudres de plusieurs confrères musiciens. Sur Twitter, la violoniste Zhang Zhang lui avait notamment rappelé que les concours de recrutement se faisaient derrière des paravents, dans plusieurs orchestres classiques. Le premier violon du philharmonique de Monte-Carlo avait ajouté que personne ne se souciait de la composition ethnique dans les orchestres chinois ou maliens.