«C’est un fléau qui empoisonne tout le territoire national», fustige d’emblée Rocco Contento, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP Police FO.
Ces derniers mois, les rodéos sauvages ont encore fait de nouvelles victimes. Le 26 août dernier à Toulouse (Haute-Garonne), une septuagénaire est décédée après avoir été percutée sur un passage piéton par un motard qui roulait à vive allure… en roue arrière. En juillet dernier à Glisy, près d’Amiens, une jeune femme de 21 ans a trouvé la mort dans les mêmes circonstances: renversée sur un passage clouté par un motard, qui cette fois a perdu le contrôle de son véhicule, toujours en roue arrière.
Un fléau qui rend les élus nerveux. Alors, face à la recrudescence des tragédies causées par les rodéos sauvages, les députés Natalia Pouzyreff (LREM) et Robin Reda (LR) ont préconisé dans un rapport parlementaire le recours aux drones pour poursuivre les auteurs de ces délits.
Les deux élus devraient d’ailleurs déposer des amendements en ce sens lors de l’examen du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure en septembre.
Recrudescence des rodéos urbains
Et pour cause, malgré la promulgation en août 2018 d’une loi punissant la participation à un rodéo urbain, le phénomène est loin de s’être tari. Il aurait même tendance à se généraliser, selon Natalia Pouzyreff. «Le nombre d’interventions des forces de police est en nette augmentation: +50%», a-t-elle précisé, ce qui représenterait 25.000 interventions en 2020, police et gendarmerie confondues. Ces caméras aéroportées pourraient-elles donc dissuader ces jeunes?
«Honnêtement, j’ai un énorme doute», concède Rocco Contento.
«La dissuasion passera par le fait que lorsque les auteurs de rodéo sont interpellés, c’est qu’il y ait une réponse pénale immédiate et assez ferme pour envoyer les bons signaux», souligne le syndicaliste.
Sur BFM Lyon, un mineur témoignait d’ailleurs de ce sentiment d’impunité qui peut régner chez certains «cabreurs»: «Peu importe la loi, peu importe les règles qu’ils ont mises en place, personne ne va arrêter à mon avis». «Il y en a même qui sont allés en prison, ils sont ressortis, une semaine après ils avaient une moto dans les mains», racontait le jeune Lyonnais.
Si ces drones ne pourront donc a priori pas empêcher les rodéos sauvages, selon le syndicaliste, cela reste une «très bonne idée» qui facilitera le travail des forces de l’ordre.
Les courses-poursuites proscrites
En effet, il regrette que les forces de l’ordre soient «mises en difficulté dans certaines circonscriptions de Police», notamment le Val-d’Oise.
«Ils ont des notes de service expliquant qui ne fallait pas prendre en chasse des auteurs de rodéos pour éviter les chutes, qu’une personne se tue et ensuite que cela provoque des émeutes derrière», constate Rocco.
Fabienne Azalbert, commissaire et chef de la circonscription de Sarcelles, écrivait en effet que lors d’un contrôle, «si le conducteur du véhicule n’obtempère pas immédiatement aux injonctions visuelles ou sonores, il n’y aura aucune prise en charge tolérée».
Un mode opératoire visant donc à éviter les incidents que désapprouvent les Français. Selon un sondage de l’institut CSA pour CNews, publié en juin, près de 80% d’entre eux souhaitent que les policiers mettent tout en œuvre pour arrêter les auteurs de rodéos, quitte à entamer des courses-poursuites. En outre, Rocco Contento observe «qu’il y a beaucoup de collègues qui s’affranchissent de cela et font leur travail et les prennent en chasse».
«C’est très dangereux, mais on le fait aussi, car il y a des directives du ministre de l’Intérieur pour les faire cesser», indique le secrétaire départemental d’Unité SGP Police FO.
Alors, ces caméras aéroportées pourraient permettre «de suivre à la trace les auteurs d’infraction sans être détectés», mais surtout «sans danger» pour les contrevenants… et les policiers.
«Ça serait utile pour la police nationale afin de prendre des photographies, si les personnes ont le visage découvert. Cela permettra de les identifier et de voir s’ils sont fichés ou non, puis de les interpeller.»
Et le cas échéant de pouvoir remonter au propriétaire de l’engin utilisé. À condition que ce dernier dispose d’une plaque d’immatriculation et qu’il ne soit pas volé, ce qui est le cas de «50% du matériel saisi».
Une atteinte aux libertés individuelles?
Reste qu’un point de vue juridique, le recours à ces outils technologiques prête à controverse. En témoigne la décision du Conseil d’État de censurer en mai 2020 l’utilisation des drones de surveillance, notamment à Paris, lors du déconfinement. La plus haute juridiction administrative arguait que dans ces conditions, cela caractérisait «une atteinte grave et manifestement illégale au droit du respect de la vie privée.»
Claire Hédon, défenseur des droits, s’inquiétait également des «risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux». Elle soulignait ainsi que «le recours aux drones comme outil de surveillance ne présente pas les garanties suffisantes pour préserver la vie privée. En effet, les drones permettent une surveillance très étendue et particulièrement intrusive, contribuant à la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel.»
Des mises en garde que déplore Rocco Contento. Selon lui, il faudrait justement «développer les drones tous azimuts», notamment «pour les violences urbaines», ou encore, «pour suivre des déplacements de bande sans mettre en danger les policiers». Le syndicaliste se veut d’ailleurs rassurant concernant le respect des libertés individuelles:
«Les images et les bandes sont détruites, elles ne sont pas conservées. Il n’y a pas de fichiers qui sont créés. L’utilisation d’un drone, c’est vraiment à l’instant T. Juridiquement parlant, la police nationale ne les utilise que dans le cadre de ses missions, elle n’en déborde pas. Il ne s’agit pas photographier les citoyens», précise Rocco Contento.