«Je ne veux pas être dans le groupe du bougnoule»: des policiers jugés pour harcèlement moral sur fond de racisme

Un rapport de l’IGPN, consulté par Le Monde, indique qu’une «ambiance malsaine» régnait à la BAC de nuit de Nancy. Des agents devront répondre en justice le 10 septembre de faits de harcèlement moral et d’injures non publiques racistes.
Sputnik
Le harcèlement n’est pas un problème nouveau au sein de la police. Ainsi, après que plusieurs ex-agents rouennais se sont présentés le 3 septembre devant le tribunal de police d’Évreux pour avoir échangé des propos racistes visant l’un de leurs collègues, Le Monde a pu consulter un rapport rédigé par l’antenne de Metz de l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Il y est décrit l’«ambiance malsaine» entretenue par des membres de la BAC de nuit de Nancy.
Le quotidien indique que le 10 septembre, 10 agents de police de la brigade anticriminalité (BAC) de nuit de Nancy vont répondre de harcèlement moral et d’injures non publiques à caractère raciste commis sur des collègues. Quatre d’entre eux seront parties civiles.
D’après ce document, une commandante a dénoncé les comportements xénophobes de ce groupe caractérisé par un tatouage récurrent de tête de loup porté sur l’avant-bras.
Un gardien de la paix, témoin des faits et membre de l’unité qui a avisé en 2018 le commissaire dirigeant le service d’intervention, d’aide et d’assistance de proximité du commissariat de Nancy, avait des captures d’écran d’échanges sur un groupe de messagerie privée.
La source relate que Saïd B. était un policier expérimenté natif des Vosges, un ancien «baqueux» de région parisienne «motivé et travailleur». Mais ses origines ont posé problème auprès de ses nouveaux collègues de la BAC de nuit de Nancy, en avril 2017.
«Je ne veux pas être dans le groupe du bougnoule», a-t-il entendu, comme le spécifie Le Monde, dans les couloirs du commissariat peu après son arrivée. Il a même été visé par d’autres vexations encore plus directes comme des inscriptions «On a vu mieux comme casting» et «C’est bientôt fini», scotchées sur la porte de son casier. En outre, ses collègues refusaient de lui serrer la main et de lui adresser la parole.
Le Monde relate qu’il a aussi été traité de «bico», de «bougnoule» et a été la cible d’injures et de récurrentes accusations d’incompétences sur le groupe de messagerie privée dont il a été exclu.

«Climat de haine»

Avant Saïd B., au moins trois autres fonctionnaires ont fait les frais du «climat de haine» entretenu par le «phénomène de meute» décrit sur le procès-verbal, d’après le quotidien.
Évoquant les déclarations de Saïd B., l’IGPN a observé que l’«ambiance malsaine au sein de la BAC de nuit de Nancy était préjudiciable aux résultats de la brigade, dont les effectifs étaient plus concentrés sur les médisances que sur les interpellations».
En outre, le rapport note que même le chef de service, nouvellement nommé en juin 2017, a été victime de ce groupe, stigmatisé, ostracisé, contesté, avec des instructions rarement appliquées. De plus, selon le document, son adjoint a fait preuve à son endroit d’une «particulière déloyauté».
«C’est ce qui est particulièrement grave dans ce dossier, a conclu Frédéric Berna, avocat des quatre agents qui ont porté plainte. Des fonctionnaires s’étaient organisés, contre leurs collègues, pour s’approprier le droit d’assurer l’ordre public selon leurs propres règles, au mépris de la discipline, et au risque assumé de fragiliser les procédures dans lesquelles ils intervenaient».
Le Monde précise que pour le moment des blâmes et des exclusions temporaires ont été prononcés à l’encontre de certains agents mis en cause, avant un conseil de discipline prévu fin septembre.

«Une tolérance zéro» contre le racisme

En 2020, dans le contexte des manifestations contre les violences policières et le racisme qui mobilisaient des milliers de personnes en France, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner, déclarait vouloir «une tolérance zéro contre le racisme chez les forces de l’ordre».
Il avait également annoncé avoir ordonné aux directions de la gendarmerie et de la police nationale «qu’une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d’acte ou de propos raciste» en précisant qu’«aucun raciste ne peut porter dignement l'uniforme de policier ou de gendarme».
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