27 milliards de dollars d’investissement: en Irak, Total grille la concurrence

TotalEnergies et Bagdad ont signé ce 5 septembre un mirobolant contrat d’investissement estimé à 27 milliards de dollars. Un coup de maître, considère l’ancien représentant de Total en Iran Pierre Fabiani. Le champion français des hydrocarbures a su profiter d’une opportunité extraordinaire offerte par le retrait de ses concurrents.
Sputnik
Total de retour en force en Irak: vecteur d’instabilité régionale ou «réelle opportunité»?

27 milliards de dollars d’investissements

Le gouvernement irakien et le français TotalEnergies ont donc signé dimanche 5 septembre à Bagdad un mégacontrat destiné à générer 27 milliards de dollars d’investissement dans la production pétrolière, gazière et solaire du pays. Le montant initial investi de Total est, lui, chiffré à 10 milliards de dollars, dont le produit permettra ensuite une seconde salve d’investissements de 17 milliards, ont expliqué les deux responsables.
​Une stratégie saluée au micro de Sputnik par l’ancien représentant de Total en Iran, qui regarde toujours d’un œil intéressé les activités du groupe:
«Ce contrat qu’ils viennent de signer est extrêmement intéressant. Total va sortir et vendre du pétrole et du gaz aux Irakiens. Alors que plusieurs grosses compagnies comme BP se retirent d’Irak, Total arrive.»
Une analyse partagée dans les colonnes des Échos par Francis Perrin, spécialiste des hydrocarbures et directeur de recherche à l’Iris: «Avec ces projets, TotalEnergies va se retrouver en pole position dans un pays où tout le gotha pétrolier international est présent depuis une dizaine d’années.»
La situation sécuritaire et les conditions d’investissement ont par exemple poussé des mastodontes des hydrocarbures comme Lukoil et BP à renoncer à leurs ambitions irakiennes.
Total se serait ainsi immiscé dans la brèche, sans prendre trop de risques.
«On ne peut pas dire qu’il y ait de réels dangers physiques et pressants en Irak. En ce moment, c’est plutôt calme, même si ce n’est pas parfait», observe notre interlocuteur.
L’Irak connaît effectivement une période prolongée d’accalmie, fait rare sur les quarante dernières années. Même si le risque zéro n’existe pas, les rémanences de l’instabilité dans le pays concernent surtout les milices chiites et la présence militaire américaine. Daech* fait bien sûr toujours partie du paysage, mais de façon plutôt clandestine. Ces troubles, pour l’essentiel, ont lieu loin de Bassora et de sa région, où Total concentrera la plupart de ces activités. Au pire, ce sont «les risques du métier», relativise Pierre Fabiani.

Débarrasser l’Irak de «ses besoins iraniens»

Pour sa part, l’Irak a tout à gagner à conserver une stabilité autour des activités de Total dans le pays car le développement du groupe «devrait permettre à Bagdad de se débarrasser de ses besoins iraniens», rappelle celui qui fut le patron de Total Iran de 2004 à 2008.
Depuis plusieurs années, l’Irak est dépendant de l’Iran pour son approvisionnement en gaz et en électricité. De fait, il pourrait ainsi gagner en autonomie en n’étant plus dépendant d’un État et de sa politique, mais d’une compagnie privée. De surcroît, l’approvisionnement iranien en Irak a connu de nombreuses failles. Les coupures d’électricité et de gaz sont devenues le pain quotidien des habitants.        
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Avec les quatre programmes d’investissement, Bagdad et Total prévoient une amélioration nette de l’approvisionnement en énergie. Le premier projet concerne l’acheminement de l’eau nécessaire pour extraire le pétrole enfoui dans les sous-sols. Le second permettra de porter la production du champ pétrolier d’Artawi, dans le sud de l’Irak, de 85.000 barils par jour à 210.000 barils par jour. Le troisième prévoit la construction d’un complexe qui exploitera les gaz issus des gisements du secteur. Et le quatrième projet verra l’installation de panneaux solaires à Artawi, près de Bassorah. Ceux-ci devraient atteindre une capacité de 1 000 mégawatts, l’équivalent d’un réacteur nucléaire, d’après une source au ministère du Pétrole selon laquelle «l’Irak ne paiera rien.»

Visite d’Emmanuel Macron en Irak

D’après Pierre Fabiani, la récente visite d’Emmanuel Macron en Irak à la fin du mois d’août n’est pas liée à cette signature de contrat. «C’est un coup de pur pétrolier», affirme notre interlocuteur.
«Le PDG Patrick Pouyanné travaille très discrètement. Il œuvre avec une équipe d’une demi-douzaine de personnes triées sur le volet et ne fait appel à aucune aide extérieure. Ce n’est pas le genre à faire fuiter des infos dans les journaux. Il ne veut pas entendre parler de politique», conclut l’ancien de Total.  
Un pari discret qui pourrait porter ses fruits et même plus. L’Irak produit plus de 4 millions de barils par jour, soit plus de 4 % de l’offre mondiale. C’est le quatrième pays exportateur de brut et le deuxième de l’OPEP, derrière l’Arabie saoudite. De plus, l’État possède les cinquièmes réserves internationales. Une mine d’or noir si tant est que la situation politique et militaire reste stable.
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