«Les talibans* et Al-Qaïda* ont fusionné», a fait savoir à Sputnik le service de presse du Front national de résistance du Panchir.
Ces organisations auraient travaillé pendant plusieurs années main dans la main indique ce même service. Et leur lien ne serait pas rompu.
Certes, ces commentaires s’inscrivent dans un contexte de guerre de communication intense. On conçoit aisément que les membres de la résistance tentent de discréditer le plus possible les nouveaux maîtres de Kaboul aux yeux de la communauté internationale. Cependant, il n’y aurait pas de fumée sans feu. Et plusieurs éléments permettent de douter du fait que la relation qui unissait les talibans* et Al-Qaïda* appartienne au passé. Au contraire.
Libération de djihadistes d’Al-Qaïda*
La persistance de ce lien semble attestée par les images du retour en Afghanistan, sous les acclamations de la population, du haut responsable d’Al-Qaïda* Amin ul-Haq. Ce proche d’Oussama ben Laden a vécu un exil de plusieurs années au Pakistan.
De surcroît, des milliers de détenus de la principale prison militaire du pays de Parwan, près de la base aérienne de Bagram, ont été libérés après l’arrivée au pouvoir des islamistes. Parmi eux figuraient de nombreux talibans*, mais également des combattants et des commandants d'Al-Qaïda*.
D'après un rapport de l'équipe de surveillance de l'Onu datant de janvier 2021, entre 200 et 500 combattants d'Al-Qaïda* seraient répartis dans onze provinces afghanes.
Al-Qaïda* considère la victoire talibane «comme la sienne, car les talibans* n'ont jamais renié ce mouvement», rappelait dans les colonnes de L’Express Wassim Nasr, spécialiste du djihadisme. Le groupe terroriste «a d'ailleurs participé, dans quelques localités, à la récente offensive» contre les forces gouvernementales.
Les extrémistes pachtouns l’ont pourtant garanti aux États-Unis: l’Afghanistan ne sera plus un refuge pour les groupes terroristes souhaitant viser les États-Unis, leurs intérêts et leurs alliés. Or l’accord de paix signé entre Washington et les talibans* en 2020, passé au crible par Sputnik, ne fournit aucune mesure contraignante, ou a minima de moyens de vérifications par des organismes indépendants, de la tenue des engagements par les parties concernées.
Deux branches du même arbre
Dans les faits, Washington ne compte pas que sur la parole du groupe fondamentaliste pour s’assurer que cet accord soit respecté. Les États-Unis misent aussi sur la menace de représailles militaires et économiques.
Cela n’empêche pas que les deux entités islamistes puisent leurs origines dans l’implication américaine en Afghanistan contre les Soviétiques. Plus précisément, elles sont nées lors du djihad contre le pouvoir soviétique installé à Kaboul dans les années 1980, lorsque des combattants étrangers sont venus prêter main-forte aux moudjahidines locaux.
À cette époque, le groupe Maktab al-Khadamat (MAK), créé par Abdallah Azzam, le professeur d’Oussama ben Laden et membre influent des Frères musulmans* en 1980, organise et entraîne les moudjahidines dans la lutte contre l’Armée rouge. Le MAK est alors soutenu par d'autres organisations islamistes ainsi que par… la CIA. Afin de combattre la puissance de l'URSS, l’agence américaine lui prodigue une aide y compris technico-militaire.
Liens familiaux et matrimoniaux solides
Les années qui ont suivi cette guerre en Afghanistan, largement considéré comme le berceau du djihad tel qu’on le connaît aujourd’hui, verront naître deux entités distinctes mais profondément interconnectées: les talibans* et Al-Qaïda*. Les premiers souhaitant l’instauration d’un émirat islamique régi par la charia en Afghanistan, tandis que les seconds envisagent d’appliquer ce programme à l’ensemble du monde musulman, et si possible à l’ensemble du monde tout court.
Malgré cette distinction idéologique importante, les deux groupes maintiennent d’étroites relations.
«Les formateurs, les combattants et les dirigeants d'Al-Qaïda* ont noué des liens locaux intimes avec leurs homologues talibans*, et les deux organisations ont tissé des liens familiaux qui assurent une loyauté et une obligation mutuelles fondées sur les normes culturelles pachtounes», explique à NBC News Douglas London, chercheur du groupe de réflexion Middle East Institute.
Les responsables du renseignement américain ont récemment déclaré qu'Al-Qaïda* et d'autres groupes terroristes demeuraient des menaces actives en Afghanistan. Ceux-ci ont toutefois refusé de commenter la nature des relations actuelles entre le nouveau pouvoir afghan et le groupe où s’est «illustré» ben Laden.
«Même si les dirigeants talibans* veulent tourner la page d'Al-Qaïda* , et mon expérience de la gestion des opérations antiterroristes de la CIA dans la région me laisse penser que ce n'est pas le cas, il serait pratiquement impossible d'attendre des combattants talibans* qu'ils abandonnent leurs filles, leurs petits-enfants et leurs gendres», ajoute M. London.
Soucieux de ne pas mettre ses hôtes en porte-à-faux, Al-Qaïda* s’est jusqu’ici contenté de féliciter les talibans* après la prise de Kaboul pour leur «grande victoire, prélude à d’autres succès» à travers le monde. Ce à quoi les destinataires de ces louanges n’ont pas réagi. Du moins publiquement.
L’organisation dirigée par l’Égyptien Ayman al-Zawahiri n’a toutefois pas appelé au djihad contre l’Occident dans la foulée de la prise du pouvoir talibane. Mais pour combien de temps?
*Organisation terroriste interdite en Russie