Une votation en Suisse pour contrer l’achat du F-35? Les antimilitaristes font le jeu du complexe militaro-industriel US

Les Helvètes pourraient avoir à se prononcer sur l’acquisition du F-35. En juin 2014, une précédente votation avait rendu caduc l’achat du Gripen suédois par l’armée suisse. Peu de chances qu’un tel scénario se réitère, selon Alexandre Vautravers, qui souligne que ce contretemps politique fut anticipé lors du choix de l’appareil américain.
Sputnik
Chose promise, chose due. Le Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA) a annoncé le 31 août le lancement de l’initiative «Stop F-35», visant à récolter les 100.000 signatures nécessaires au déclenchement d’une votation. Celle-ci portera sur la décision prise fin juin par le Conseil fédéral d’acquérir trois escadrilles du dernier-né de Lockheed-Martin, soit 36 appareils en tout.
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«Il était absolument clair, dès le départ, que le GSsA attaquerait la décision: qu’il s’agisse du F-35, du Rafale, de l’Eurofighter ou du F/A-18. Quel que soit le type d’avion qui aurait été sélectionné, le GSsA avait prémédité de contrer ce choix», réagit au micro de Sputnik Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.
«Il n’y a pas trop d’incertitude sur le fait que les 100.000 signatures vont être réunies», concède-t-il. Car bien qu’il juge le GSsA comme «une frange de l’extrême gauche» qui «n’est pas représentative d’une large part de la population et des citoyens de ce pays», ce groupe est aujourd’hui le «bras armé» d’un mouvement d’opposition bien plus large, soutenu par le Parti socialiste et les écologistes suisses.

Une votation sans enjeu?

Le 14 juillet, deux semaines après l’annonce du choix du F-35, le GSsA annonçait avoir obtenu 70.000 promesses de signatures. Bien qu’une votation populaire devrait donc avoir lieu, notre intervenant appelle à «raison garder», n’y voyant pas de menace à l’importation de F-35 en Suisse, bien au contraire.
«Cette initiative populaire va probablement retarder d’un à deux ans le processus d’acquisition des avions. De cette manière-là, on renforce encore le bon choix du F-35», estime Alexandre Vautravers, qui souligne au passage le «consensus politique» au sein du Conseil fédéral sur cet appareil. «Les premiers exemplaires ne sont pas attendus avant 2027, car ces appareils doivent succéder aux F/A-18 C/D américains qui seront à ce moment progressivement retirés du service», rappelle-t-il, mettant en avant un élément important dans la décision de l’exécutif suisse lors du choix de leur futur chasseur: la «fenêtre temporelle 2030-2060».
Bref, au moment de statuer sur leur futur avion de combat, les autorités militaires suisses auraient anticipé le blocage politique à venir. «C’était l’avion qui répondait le mieux aux critères qui avaient été définis, pas seulement les critères techniques et opérationnels, mais aussi le calendrier politique», confirme Alexandre Vautravers le rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.

Cette votation va «renforcer encore le bon choix du F-35»

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Au-delà de ce contretemps, visiblement anticipé, les concurrents européens au F-35 n’auraient donc proposé aux Suisses que des appareils qui s’acheminent vers leur fin de carrière. «Pour l’horizon 2030, même au sein de l’armée de l’air française, vous avez aujourd’hui des réflexions qui vont dans le sens du SCAF et des futurs programmes qui remplaceront le Rafale. On peine à imaginer le maintien en service du Rafale ou de l’Eurofighter à l’horizon 2040 ou 2050», souligne Alexandre Vautravers.
«Je peux vous le dire de manière candide: s’il s’agissait pour la Suisse d’acheter immédiatement un avion qui devrait impérativement entrer en service dans six ou 24 mois, le Rafale aurait peut-être été le candidat le plus adapté», insiste-t-il.
Selon Vautravers, la probabilité de voir se répéter un scénario similaire à celui de 2014 est donc «très limitée». Cette année-là, une votation avait rejeté l’enveloppe allouée à l’achat du chasseur suédois Gripen.
Au-delà du «ras-le-bol» que les Helvètes pourraient avoir à se prononcer «pour la troisième fois sur la même question, cela commence à bien faire», notre intervenant estime que le F-35 à toutes les cartes en main pour s’en tirer la tête haute.

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Un avis qui tranche avec les certitudes que pouvaient avoir les Français, surpris par le choix de Berne en faveur de l’appareil américain. Moins cher à l’usage que le F-35, plus polyvalent et meilleur intercepteur pour des missions de police du ciel: vu de Paris, le Rafale était jugé plus adapté au ciel suisse.
À l’inverse, le F-35, taillé pour l’attaque, avec sa furtivité lui permettant de pénétrer des espaces aériens adverses lourdement protégés, semblant contredire la doctrine militaire suisse, défensive. Par ailleurs, son architecture fermée et son système d’information (ALIS), qui communique les données de vol des capteurs de tous les F-35 à Lockheed-Martin, pouvaient apparaître comme de sérieux accrocs à la souveraineté suisse.
Des problématiques sur lesquelles une députée du Parti socialiste suisse avait, en juin 2020, interpellé le Conseil fédéral. Il lui sera opposé le secret des affaires. Un non-problème pour les militaires suisses qui, comme leurs homologues israéliens, ont reçu des garanties en ce qui concerne l’autonomie technique. Plus concrètement, les F-35 suisses bénéficieront de l’expérience des pilotes du monde entier pour optimiser leurs paramètres de vol, leurs «librairies de menaces» et leurs «catalogue de ciblage», qui seront constamment mis à jour.
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