Deraa bientôt reprise, mais la guerre en Syrie est loin d’être terminée

Après deux mois d’offensive, l’armée de Bachar el-Assad gagne du terrain à Deraa tout en laissant le choix aux combattants: rendre les armes ou partir vers Idlib. Plusieurs d’entre eux en ont profité pour choisir cette dernière option, ce bastion regroupant des anciens guerriers de Daech* et d’Al-Qaïda*.
Sputnik
Tout un symbole: l’armée de Bachar el-Assad s’apprête à reprendre l’intégralité de la ville de Deraa, berceau de la rébellion à la frontière jordanienne. Après une série de provocations –dont les attaques contre les forces progouvernementales et les quartiers résidentiels par des groupes rebelles–, Damas avait envoyé en juillet dernier des renforts dans cette province. Ainsi, la 4e division de chars avait été retirée de l’axe de Palmyre et d’Al-Sukhnah pour être redirigée sur Deraa.
«Cette ville sera reprise comme toutes les autres.» Fahed, ancien militaire de l’armée arabe syrienne et ex-otage des djihadistes durant le siège d’Alep, en est convaincu.
Pourtant Deraa donne du fil à retordre aux autorités syriennes. En vertu d’un accord inédit de 2018 consécutif à la victoire de Damas, les rebelles étaient autorisés à rester dans la ville. Et en l’espace de deux ans, ils ont pu se reconstituer un arsenal militaire conséquent. «Ils ne disposent pas uniquement d’armes légères», indique notre interlocuteur. Leurs rangs comportent, entre autres, des djihadistes d’organisations terroristes comme Daech*.

«Isoler et rassembler tous les djihadistes dans un même endroit»

Ainsi, des combattants de l’EI* ont commencé à quitter la ville la semaine dernière via les corridors ouverts par Damas. Au 26 août, une cinquantaine d’entre eux avaient gagné la partie nord de la Syrie. C’est la trêve annoncée le 14 août qui l’a permis. Selon les conditions de ce cessez-le-feu, les responsables des attaques contre les militaires syriens et des prises d’otages s’engageaient soit à déposer les armes, soit à quitter Deraa pour Idlib, cœur djihadiste. Cela concernerait une centaine de rebelles. «Damas veut laisser le choix aux habitants pour isoler et rassembler tous les djihadistes dans un même endroit», analyse l’ancien militaire.
Malgré les avancées, l’armée syrienne subit de nombreuses pertes. Selon l’agence officielle syrienne Sana, quatre soldats ont été tués lors d’une attaque contre des postes de contrôle le 30 août dans la province. Cette difficulté à reprendre cette région tend à prouver que les rebelles disposent d’un armement important.
«Historiquement, Deraa est une ville opposée au pouvoir central, poursuit Fahed. Les communautés sunnites et druzes de la province ont rejoint la révolution dès le premier jour. Compte tenu de la situation géographique de la cité, entre la Jordanie, Israël et proche du Golan, Damas ne peut pas laisser cette zone échapper à son contrôle.»
Mais la porosité des frontières avec la Jordanie est le principal problème, ajoute-t-il, d’où un trafic d’armes et de combattants important.

Un territoire opposé au pouvoir de Damas

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En effet, cette région n’hésite pas à manifester son opposition avec le pouvoir central. Les habitants de Deraa ont refusé de participer au scrutin présidentiel du 26 mai dernier. Une manière pour eux de montrer qu’ils ne reconnaissaient pas le résultat de l’élection qui a vu Bachar el-Assad remporter un quatrième mandat avec 95,1% des voix. De surcroît, en dépit de sa libération en 2018, les habitants manifesteraient également leur hostilité par la violence et une instabilité chronique. Entre les affrontements entre bandes armées, les enlèvements, les vols, les émeutes, Damas peine à rétablir l’ordre dans cette zone. Pire, en trois ans, plus d’un millier de personnes ont été assassinées. Ainsi, même Aref Jahmani, homme de main du Hezbollah dans la région, a-t-il été retrouvé mort en juin dernier.

Mais notre interlocuteur est persuadé que ce bastion rebelle sera repris malgré toutes ces difficultés. Au prix d’âpres combats, les troupes syriennes, aidées par les milices pro-iraniennes et par l’aviation russe, ont méthodiquement reconquis toutes les villes stratégiques, quartier après quartier, annihilant de fait la menace djihadiste. Ayant participé à la libération d’Alep en 2016, Fahed explique la stratégie militaire employée par Damas:
«La méthode est toujours la même, nous encerclons la ville pour couper les points d’approvisionnement de l’ennemi, les ponts, les routes, et nous dynamitons les tunnels. On sait pertinemment qu’ils ne vont pas pouvoir tenir éternellement. Puis on essaye de diviser en deux la partie adverse pour les obliger à négocier ou à se rendre totalement.»
Une technique qui a fait ses preuves pour Alep, Homs, Palmyre. Damas se focaliserait sur une province à la fois pour éviter de scinder ses troupes. «L’importance est de reprendre une ville après l’autre», conclut l’ancien militaire syrien.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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