L’ancien patron du renseignement intérieur français mis en examen pour la 16e fois

L’ex-chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a encore une fois été mis en examen, alors qu’il est déjà depuis 10 ans dans le collimateur de la justice, notamment pour détournement de fonds publics et trafic d’influence.
Sputnik
Une décennie entière d’investigations judiciaires concernant l’ancien chef des Services secrets intérieurs français, Bernard Squarcini, a permis de faire éclater au grand jour le lien plus que solide entre les mondes du renseignement et de l’argent ainsi que le phénomène du pantouflage, cette pratique de hauts fonctionnaires à quitter le service public pour le privé moyennant une augmentation de leur salaire.
Celui qui était patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, aujourd’hui DGSI) sous Sarkozy a écopé fin juin dernier de trois nouvelles mises en examen, portant à 16 le nombre des chefs de celles-ci, rappelle Mediapart.
L’affaire démarre avec la déclaration d’un agent du renseignement intérieur qui, avec plusieurs collègues, est mobilisé fin 2008 par la Direction pour identifier un homme tentant de faire chanter le milliardaire Bernard Arnault, patron de LVMH. Or, il ne s’agit aucunement des objectifs directs de la DCRI.
Avec l’arrivée au pouvoir de François Hollande, le directeur des services secrets intérieurs quitte son bureau en 2012 et emporte avec lui 393 documents classifiés «confidentiel défense» ou «secret défense» qui seront retrouvés chez lui ou dans ses bureaux de LVMH, qui l’a recruté après son départ de la DCRI. La justice estime qu’il aurait pu les emmener avec lui et les conserver afin de s’en servir dans le cadre de ses nouvelles activités de renseignement privé.
Car après avoir quitté la fonction publique, Bernard Squarcini se retrouve au service de LVMH à qui il a vendu, selon des juges d’instruction, «des facilités à débloquer des situations dans la sphère publique et à obtenir des informations de nature confidentielle».

Le pantouflage

Le fait, pour un haut fonctionnaire, de mélanger responsabilités publiques et intérêts privés a été passé au crible par Vincent Jauvert, journaliste à L’Obs et auteur d’un livre, Les Voraces. Dans un entretien avec Marianne en février 2020, il assure que ces pratiques sont devenues encore plus décomplexées depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.
Il constate ainsi que «l’exemple vient d’en haut». En effet, Emmanuel Macron, diplômé de l’ENA était inspecteur des finances, avant de travailler chez Rothschild puis de devenir secrétaire général de l’Élysée sous François Hollande, ministre de l’Économie puis Président de la République. Le journaliste cite également le cas de Pierre Fond, «maire Les Républicains de Sartrouville, président de la communauté d’agglomération et vice-président du département des Yvelines […] mais aussi comptable principal du Centre national d’études spatiales (CNES), un poste pour lequel il est rémunéré 215.000 euros bruts par an».
Il souligne notamment que cumuler un mandat avec un emploi privé ordinaire ne peut être réprouvé, mais que le problème surgit «quand ces élus sont nommés à des postes où ils peuvent monnayer leur carnet d’adresses».

Démêlés avec la justice

Bernard Squarcini a été promu directeur du renseignement intérieur par Nicolas Sarkozy en 2008, mais en est écarté quatre ans plus tard par François Hollande.
En novembre 2010 déjà, la Délégation parlementaire aux renseignements l’avait auditionné sur les affaires d'espionnage de journalistes après une révélation du Canard Enchaîné. Un an plus tard, le patron du Renseignement intérieur a été mis en examen, notamment pour avoir fait analyser les factures téléphoniques détaillées d’un reporter du Monde. Le 8 avril 2014, l'ancien patron du renseignement intérieur français a été condamné à 8.000 euros d'amende pour avoir réquisitionné illégalement ces fadettes.
En septembre 2016, Bernard Squarcini a été mis en examen pour violation du secret, trafic d’influence et détournement de fonds publics.
 
 
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