Alors que de nouvelles manifestations anti-pass sanitaire sont attendues en France et que les Antilles sont toujours marquées par un faible taux de vaccination, la défiance envers la science et la médecine, ainsi que l’incohérence des démarches entreprises pour gérer la crise sanitaire, sont dénoncées par plusieurs spécialistes en sociologie et en philosophie.
«On ne croit plus les médecins, on ne croit plus la science [...]. L'expertise a disparu et tout le monde se trouve expert et tout le monde se met à dire des choses extravagantes», lâche sur CNews le philosophe Michel Onfray.
Par ailleurs, seuls 16% des Français n’ont pas l’intention de se faire vacciner, selon un sondage Ecoscope OpinionWay pour les Échos réalisé en juillet. D’après le bilan de la campagne vaccinale, plus de 48 millions de personnes ont reçu au moins une dose (71% de la population), et plus de 42,5 millions présentent un schéma vaccinal complet (63%).
Incohérence entre les propos et les actes
Selon le philosophe, la défiance envers les vaccins est alimentée par la contradiction observée entre certaines annonces gouvernementales et les mesures adoptées ultérieurement. Il s’agit par exemple du débat autour de la nécessité du port du masque, la fermeture des frontières et la promesse de ne pas vacciner les enfants.
Pour lui, le rejet des vaccins et du pass sanitaire se traduit plutôt par une défiance généralisée envers les autorités. Ce sont «des gens qui sont plutôt anti-tout, ils ne croient plus à l'expertise, ils sont dans une espèce de nihilisme généralisé et ça raconte plus le nihilisme de notre époque qu'autre chose».
Les réfractaires «ont parfois raison» lorsqu’ils se demandent pourquoi pour les policiers censés contrôler le pass sanitaire ne sont pas eux-mêmes vaccinés, poursuit Onfray.
Refus du vaccin aux Antilles
Quant aux raisons pour lesquelles le vaccin est boudé en Martinique, les taux importants de pauvreté et d’illettrisme ont été mis en valeur, tout comme la question du chlordécone, insecticide toxique, «qui n’a pas été réglée», explique auprès de BFM TV Danielle Laport, sociologue et enseignante-chercheuse associée à l’université Paris Est Créteil.
Cet agent a été utilisé pendant une vingtaine d’années dans les bananeraies aux Antilles pour lutter contre le charançon. Il a été introduit dans les années 1970, bien que le gouvernement ait été informé de son caractère cancérigène pour l’homme depuis 1969. Son emploi n’a été interdit qu’en 1993. Plus de 90% des Martiniquais et Guadeloupéens sont contaminés au chlordécone, selon Santé publique France.
Aux Antilles, la vaccination anti-Covid s'est accélérée depuis la détérioration de la situation sanitaire, même si son taux est toujours jugé insuffisant par les autorités sanitaires.
En Martinique, seulement 22,5% de la population éligible à la vaccination, soit âgée de plus de 12 ans, avaient reçu les deux doses au 24 août, indique l’ARS.
En Guadeloupe, la couverture vaccinale comprenant au moins une injection atteignait quant à elle 32,82% au 18 août, précise son ARS.
Peur des effets secondaires
Pour Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances à l’université Clermont Auvergne, la méfiance vaccinale existe depuis plusieurs siècles et s’explique par les craintes des effets secondaires.
«Les gens se demandent: est-ce qu’il est pire pour moi de contracter la maladie ou d’avoir les effets secondaires liés au vaccin?», expose-t-elle auprès de l’AFP.
Faisant le point sur la situation sanitaire le 26 août, Olivier Véran a regretté «qu'une partie conséquente de la population doute du vaccin, de son efficacité et pense qu’il y a d’autres moyens de lutter contre le virus». Le retard vaccinal pris dans les territoires d’Outre-mer «aura tué et tue» encore, a martelé le ministre.
L’objectif des 50 millions de primo-vaccinés sera atteint dans la première semaine de septembre, a estimé M.Véran. Cependant, le gouvernement «souhaite aller au-delà», puisque 57 millions de Français sont éligibles.