Cours d'Anti-néolibéralisme
Avec l’aide de l’économiste Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, Sputnik entame une série d’émissions dans le but d’expliquer les fondements de ce néolibéralisme qui génèrent les crises répétitives.

La plus-value, une logique séculaire de l’exploitation du travail par le capital?

Dans le cadre du huitième cours d’«Anti-néolibéralisme», le Pr Aktouf explique à Sputnik le processus d’apparition de la notion de plus-value, appelée au début valeur ajoutée. Selon lui, c’est Adam Smith qui en est l’origine, définissant le travail humain comme source de richesse. À ce jour, elle est toujours au cœur de l’économie.
Sputnik
Vers la fin du XVIIIe, l’apparition de la manufacture, notamment dans les métiers du textile, a induit un changement dans l’organisation économique de la société européenne, donnant naissance à la Révolution industrielle du XIXe siècle. En effet, beaucoup de pays européens ont vu leur économie passer d’un modèle à dominante agricole et rurale, à un modèle basé de plus en plus sur la manufacture et l’industrie.
Dans le sillage de cette transformation économique, l’organisation politique des sociétés européennes et nord-américaines a également changé, adoptant des systèmes républicains où la responsabilité publique et le pouvoir sont légitimés par le peuple, par des élections démocratiques. Ceci a permis d’introduire dans la gestion des affaires de la cité des lois régulant le travail, sa rémunération et ses conditions temporelles et sanitaires. Les plus marquantes sont celles ayant instauré les jours fériés, les vacances, le salaire minimum et le congé maladie.
Ainsi, dans le contexte où les patrons sont tenus de partager, dans une certaine mesure, leurs profits avec leurs ouvriers, contrairement à ce qui se passait au début de la Révolution industrielle, par quel moyen les économistes ont-ils procédé pour mesurer la richesse? Comment cet outil a-t-il contribué dans la dynamique de passage à l’entreprise moderne? De quelle façon influence-t-il encore la théorie économique et managériale d’aujourd’hui?
Dans ce huitième cours d’«Anti-néolibéralisme», Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, expose auprès de Sputnik qu’il «s’agit de la valeur ajoutée introduite pour la première fois par Adam Smith, qui la surnommait "absolue"» pour des raisons spécifiques à l’époque.

«La richesse vient du travail et non de la possession»

Pour le Pr Aktouf, «la valeur ajoutée, qui mesure la richesse créée par une entreprise en un laps de temps déterminé, a été introduite pour la première fois par l’économiste et philosophe écossais Adam Smith (1723-1790), définissant le travail humain comme l’unique source de richesse, ce qui constituait une révolution conceptuelle par rapport à la culture ayant dominé avant».
Et d’ajouter que depuis, «la répartition de cette valeur ajoutée et du capital est devenue la question centrale dans la pensée économique de grands auteurs, à l’instar de Smith, Ricardo, Marx ou Keynes».
En effet, selon lui, alors qu’au début Adam Smith parlait de valeur ajoutée "absolue" acquise par la force et l’abus de position des patrons qui s’octroyaient des marges exorbitantes, ne laissant pratiquement rien aux ouvriers, «la promulgation de lois imposant un minimum de respect du travail et du travailleur, le producteur industriel s'est petit à petit retrouvé face à un problème, dans lequel il devait accepter la baisse de ses revenus pour plusieurs raisons. Il s’agit notamment de l’augmentation des coûts de production».

«Une question fondamentale»

Cette nouvelle situation a imposé au capital de chercher de nouveaux moyens «pour extraire au moins les mêmes profits et, si possible, plus de travail fourni par les ouvriers dans un temps plus réduit, du fait de l'augmentation du coût de ce travail», explique le Pr Aktouf.
«C’est cette question fondamentale qui a mené à la création de la notion de productivité-rentabilité du travail, qui deviendra le pivot de l’estimation du processus de production», poursuit-il, soulignant que «c’est ça qui a poussé les économistes et les gestionnaires à se pencher sur les travaux de Frederick Taylor et Henri Fayol».
Soulignant que les travaux de ces deux derniers ont constitué les fondements du management traditionnel, Omar Aktouf indique que «c’est ce nouveau mouvement d'organisation et de contrôle du travail qui a permis de passer de la valeur ajoutée absolue à la recherche d'une nouvelle forme de plus-value, dite relative».
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