Alors que les dirigeants talibans* s’activent pour former un nouveau gouvernement et donner des gages à la communauté internationale, sur le terrain les combattants mettent la main sur des trésors de guerre. Avec la chute du gouvernement d’Ashraf Ghani, l’armée afghane a en effet abandonné derrière elle une importante partie de son équipement.
Des dizaines de vidéos de propagande ont donc fleuri, montrant les talibans* se réjouir de la prise de blindés, d’avions ou d’armes plus légères. À l’aéroport de Kandahar, plusieurs hélicoptères Black Hawk semblent ainsi avoir été saisis.
Même images à l’aéroport de Mazâr-e Charîf, où des combattants se sont photographiés à côté d’un hélicoptère MD-530F et d’un avion de lutte antiguérilla A-29 Super Tucano, ce dernier de conception brésilienne.
Plus grave encore: les talibans* ont aussi mis la main sur des dispositifs biométriques utilisés par l’armée américaine. Ces derniers, baptisés HIDE, pourraient contenir des données sensibles, comme des empreintes digitales ou des empreintes d’iris, à propos d’afghans ayant aidé les forces de la coalition, rapporte le média The Intercept. Des informations qui pourraient être mises à profit dans le cadre de représailles.
«Nous traitions des milliers d’habitants par jour, nous devions les identifier, rechercher des gilets pare-balles, des armes, collecter des informations, etc. […] HIDE a été utilisé comme un outil d’identification biométrique pour aider à identifier les locaux travaillant pour la coalition», explique au média un entrepreneur militaire américain.
Citant le renseignement américain, un responsable a déclaré à Reuters que les talibans* contrôlaient jusqu’à 40 avions et hélicoptères, ainsi que 2.000 véhicules blindés, parmi lesquels d’emblématiques Humvee américains.
Plusieurs combattants semblent également avoir troqué leur kalachnikov, dont certaines dataient de l’intervention soviétique, pour des carabines M4 et des fusils d’assaut M16 jetés par l'armée afghane. Des armes d’une plus grande portée et d’une plus grande précision, soulignent Reuters.
En 20 ans, les États-Unis ont dépensé plus de 83 milliards de dollars pour tenter de former et d’équiper les forces afghanes.
Victoire psychologique
Ces prises de guerre, que les talibans* ne se privent pas de mettre en avant, constituent un camouflet pour l’administration Biden. Ce 18 août, John Kirby, porte-parole du Pentagone, avait encore déclaré que Washington ne voulait pas voir son matériel tomber «entre les mains ceux qui agissent contre nos intérêts». À la débâcle des forces afghanes s’ajoute donc un revers psychologique pour les constructeurs militaires américains.
«Lorsqu'un groupe armé met la main sur des armes de fabrication américaine, c'est une sorte de symbole. C'est une victoire psychologique», explique ainsi à The Hill Elias Yousif, directeur adjoint au Center for International Policy.
Le spécialiste précise que la capacité des talibans* à utiliser certains équipements reste cependant questionnable. Avions et hélicoptères nécessitent en effet un important effort de maintenance et d’entretien, en vue d’un usage à long terme. La saisie d’armes légères, plus durables, faciles à utiliser, à transporter voire à vendre, est plus problématique, affirme Elias Yousif à The Hill.
Depuis l’entrée des talibans* dans Kaboul ce 15 août, les évacuations de ressortissants étrangers et d’Afghans fuyant le nouveau pouvoir se poursuivent. La situation est critique à l’aéroport de la capitale, où des bousculades ont fait plusieurs morts. Les pays européens craignent pour leur part une vague d’immigration massive.
*Organisation terroriste interdite en Russie