Après plus de neuf mois de fermeture, les cinémas ont pu rouvrir le 19 mai. Mais la joie a été de courte durée. Depuis le 21 juillet 2021 le pass sanitaire est devenu obligatoire pour accéder aux cinémas, et la mesure a entraîné une chute massive de la fréquentation. Certains parlent même de troisième confinement.
«De la salle pleine, on est passé à la salle vide […]. Pour nous, c’est quasiment un troisième confinement que l’on est en train de vivre», constate auprès du Parisien Orlando Gomes, gérant du cinéma Nouveau Paradisio à Noyon.
Selon la Fnef (Fédération nationale des éditeurs de films), une journée seulement après l’introduction du pass sanitaire, le 21 juillet, les entrées en salles en France ont dégringolé de 70% par rapport au jour précédent. Une situation qualifiée de «catastrophe industrielle» par la fédération. Faute de recette, le secteur a perdu huit millions d’euros entre mercredi 21 et dimanche 25 juillet, comparé à la même période la semaine précédente, selon la société spécialisée Comscore.
L’extension a fortement entamé la fréquentation des grands cinémas, ainsi que des établissements indépendants. «En moyenne, on devrait être à 500 entrées hebdomadaires et là, on n’en a même pas fait la moitié la semaine passée», déplore, toujours auprès du Parisien, Augustin Ferté, président de l’association Sons et Image, en charge du cinéma Jeanne-Moreau dans l’Oise.
En juillet, le nombre d’entrées en salles s’est élevé à 14,1 millions, ce qui représente une hausse de 200% par rapport à juillet 2020, mais une baisse de 22,8% par rapport à juillet 2019, avant la crise de Covid-19, d’après les données du CNC (centre national du cinéma et de l’image animée).
«Il faudra s’attendre à n’avoir dans les salles qu’un écran noir», lâche la Fnef fin juillet.
Les entrées perdues
Pourtant, lors de la deuxième semaine après l’extension du pass sanitaire, la chute de la fréquentation a été moins importante. La tendance a permis aux professionnels de croire en une reprise à la rentrée. «Nous espérons qu'il y ait un phénomène d'apprentissage qui est en train de se mettre en place. Est-ce que ce phénomène va prendre quatre semaines, six semaines ou plus? Quel sera aussi le rythme de rattrapage de la vaccination? Nous l'ignorons», expose le 11 août sur BFM TV Hélène Hershel, déléguée générale de la Fnef.
Appel à l’aide
Compte tenu des circonstances, fin juillet, la Fnef a appelé les autorités à «compenser le préjudice économique» et à mettre au point un «plan massif » qui comprend une indemnisation des frais engagés pour les films dont l’exploitation a été quasiment stoppée, et une compensation de la chute de la fréquentation pour tous les films en exploitation. Une réponse du gouvernement n’est pas attendue avant la fin de l’été.
Bien qu’ils ne contestent pas le principe du pass sanitaire, les professionnels regrettent l’introduction de la mesure sans consultation ni préavis.
«On ne change pas la date [de sortie d’un film] comme on veut. Quand vous avez une mesure comme le pass sanitaire, que nous ne contestons pas dans son principe, qui est mise en œuvre pour les cinémas du jour au lendemain, sans préavis, sans moyen de s'adapter, les distributeurs sont pris au piège. Les films sont annoncés, on ne peut plus reculer. Pour ces films-là, ce sont des pertes sèches. Ce sont des investissements énormes qui ne seront pas couverts», poursuit Hélène Hershel.
«Après plus de 300 jours de fermeture des salles, cette mesure est le coup de grâce pour une profession qui avait déjà été très durement éprouvée, et qui se sent aujourd’hui sacrifiée», a fait savoir la Fnef le 23 juillet.