Le ministère israélien des Affaires étrangères a annoncé avoir rappelé pour consultations le chargé d’affaires de son ambassade à Varsovie suite à l’adoption par la Pologne d’une loi qui porte notamment sur la restitution des biens spoliés pendant l’Holocauste.
«La Pologne a adopté encore une loi antisémite et contraire à l’éthique. J’ai ordonné au chargé d'affaires de l'ambassade d’Israël à Varsovie de rentrer en Israël pour des consultations indéfinies. Notre nouvel ambassadeur, qui devait prochainement partir pour Varsovie, ne se rendra pas à ce stade en Pologne», a indiqué le chef de la diplomatie israélienne, Yaïr Lapid, dans un communiqué.
Le ministre a en outre recommandé à l’ambassadeur polonais en Israël de poursuivre ses vacances en Pologne et de «profiter de cette occasion pour expliquer aux Polonais ce que l’Holocauste signifie pour les citoyens d’Israël».
Selon le ministre, Israël mène des négociations avec les États-Unis sur une réaction conjointe à l’adoption de la loi sur les restitutions par la Pologne.
«Ce soir, la Pologne est devenue un pays antidémocratique et non libéral qui ne respecte pas la plus grande tragédie de l'histoire de l'humanité. Nous ne devons jamais rester silencieux. Israël et le peuple juif ne resteront certainement pas silencieux», a noté le ministre.
La Pologne promet de réagir
Varsovie a réagi au départ du chef de l’ambassade israélienne en promettant de prendre des mesures similaires.
Le ministère polonais des Affaires étrangères a qualifié d’infondée la décision de baisser le statut de l’ambassade israélienne à Varsovie et portant préjudice aux relations bilatérales.
«Le gouvernement polonais prendra des mesures politiques et diplomatiques appropriées selon le principe de symétrie appliqué dans les relations bilatérales», a-t-il noté.
Loi polonaise controversée
La question des restitutions n’est toujours pas réglée en Pologne où trois millions de citoyens d’origine juive, soit 90% de la population juive du pays, ont été assassinés pendant la Seconde Guerre mondiale, selon l’Institut international pour la mémoire de la Shoah, Yad Vashem.
Le 24 juin, la Diète, chambre basse du parlement polonais, a adopté, par 309 voix pour et 120 abstentions, des amendements au code administratif qui prévoit une limite allant de 10 ans jusqu’à 30 ans pour toute contestation d’une décision administrative. Cette loi bloque ainsi les restitutions de biens, mais aussi les indemnisations pour les anciens propriétaires et leurs successeurs légaux au bout d’une période de 30 ans.
Le Premier ministre Mateusz Morawiecki a en outre déclaré que, tant qu'il serait en fonction, «la Pologne ne paiera pas un zloty, un dollar ou un euro pour les crimes de guerre allemands», rapporte Bloomberg. Fin juin, Pinchas Goldschmidt, président du Conseil des rabbins de l’Europe, a critiqué ces propos. Il a rappelé que des Polonais avaient illégalement mis la main sur de nombreuses maisons de juifs tués pendant l’Holocauste, exhortant M.Morawiecki à préciser s’il considérait ces actes comme des crimes militaires commis par l’Allemagne ou la Pologne.
Israël et les États-Unis estiment que la nouvelle loi polonaise porte atteinte aux droits des survivants de l'Holocauste et de leurs descendants. «Nous ne devons rien à personne», a indiqué en juillet Jaroslaw Kaczynski, président du parti polonais au pouvoir Droit et justice (PiS), rejetant les critiques du projet de loi.
Tensions israélo-polonaises
La restitution des biens juifs envenime les relations entre Israël et la Pologne depuis des années.
En mai 2019, un Israélien de 65 ans a craché sur l’ambassadeur de Pologne en Israël, Marek Magierowski. Selon les médias, l’agresseur a été refoulé de l'ambassade où il voulait obtenir des renseignements sur la restitution des biens juifs.
Deux jours plus tard, les autorités polonaises ont de nouveau refusé de restituer les biens des juifs tués durant l’Holocauste et la Pologne a même annulé une visite d’une délégation israélienne à Varsovie croyant que les négociations porteraient sur cette question.
La Pologne est signataire de la Déclaration de Terezin de 2009 sur des mesures visant à réparer les torts économiques ayant accompagné l'Holocauste contre les juifs et d'autres victimes de la persécution nazie en Europe.