Un député allemand propose une nouvelle intervention en Afghanistan et crée la polémique

L'Allemagne devrait rendre ses forces militaires «disponibles» pour une autre opération en Afghanistan afin d’empêcher les talibans* de le conquérir, considère Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères du Bundestag. Les autres personnalités politiques ne partagent manifestement pas cette conviction.
Sputnik
Les talibans* continuent leurs offensives en Afghanistan et se sont emparés d’une sixième capitale provinciale, alors que les forces étrangères dirigées par les États-Unis se retirent après 20 ans de présence. Le retrait officiel s’achèvera d’ici le 11 septembre.
Le 9 août, les talibans*, qui assurent contrôler plus de 80% du territoire afghan, se sont emparés d'Aybak, la capitale de la province de Samangan, dans le nord du pays, malgré les contre-attaques de l’armée afghane.
Dans ce contexte, une déclaration d’un député allemand a fait grand bruit. Le 8 août, dans une interview à la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères du Bundestag, a estimé qu’il y avait un lien à faire entre la sécurité européenne et les offensives des talibans*.
«Ce drame se profile […]. C'est à nous, par responsabilité pour notre propre sécurité et par responsabilité pour la majorité des Afghans, d'arrêter cette évolution», a-t-il dit en qualifiant la décision de Joe Biden sur le retrait de «premier grand désastre».
Considérée comme l’un des pays occidentaux les plus engagés en Afghanistan, l’Allemagne a pourtant annoncé que ses derniers soldats avaient quitté le territoire afghan le 30 juin. Jusqu'au début du retrait en mai, le contingent allemand comptait 1.100 soldats.

L’afflux de migrants

D’après Norbert Röttgen, les talibans* doivent être bloqués dans leur conquête de Kaboul, faute de quoi il y aura un risque que les insurgés conquièrent l'ensemble du pays et que l’Europe, Allemagne comprise, se retrouve face à un afflux de migrants afghans.
Ce 10 août, dans une série de tweets, le député développe son point de vue. «Notre inaction aura des conséquences. Il y aura une guerre civile en Afghanistan, les gens vont fuir le pays. L'offensive doit être stoppée avant que l'hiver ne s'installe. Pour le moment, les talibans* pensent à juste titre qu'ils n'ont pas à négocier, car ils peuvent prendre le pays militairement», argue-t-il.

​Une polémique

Sa déclaration a suscité des critiques de la part d'autres personnalités politiques. Johann Wadephul, également député au Bundestag et collègue de Röttgen au sein du parti CDU (Christlich Demokratische Union, Union chrétienne démocrate), a déclaré à l'agence de presse DPA qu'il ne voyait aucune raison pour une autre intervention: «La mission de la Bundeswehr en Afghanistan a pris fin au niveau de l'Otan. Je ne vois ni un point de départ politique ni de point de départ militaire pour une nouvelle décision de déploiement».
Joschka Fischer, ancien ministre des Affaires étrangères, a estimé, cité par le Tagesspiegel, que la présence des troupes allemandes sur le terrain ne pourrait pas stopper les offensives des insurgés.
Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre de la Défense, a également critiqué la proposition du député. «Maintenant, les talibans* frappent à nouveau de plein fouet, et ils l'auraient fait si nous étions encore dans le pays», a-t-elle tweeté.

​Des soutiens, mais pas d’opérations militaires

L’Alliance atlantique fait part de sa préoccupation concernant la situation sécuritaire dans le pays et plaide pour un «processus de paix inclusif», en mettant l’accent sur les mesures de formation et de soutien financier. «En matière de sécurité, la situation en Afghanistan reste très difficile et nécessite un règlement négocié. L'Otan continuera à soutenir l'Afghanistan, y compris par des financements, une présence civile et la formation à l'étranger», a ainsi fait savoir Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan fin juillet.

​Position britannique

Pourtant, le député allemand n’est pas le seul à parler d’actions militaires en Afghanistan.
Le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a récemment déclaré que le Royaume-Uni avait désespérément tenté de former une coalition militaire pour soutenir les forces afghanes après le retrait des États-Unis, mais les alliés de l'Otan ont refusé d’y participer.
Le ministre a confié au Daily Mail le 8 août que le Royaume-Uni avait exhorté les pays «partageant les mêmes idées» à rester après le départ des troupes américaines, mais face à la réticence générale, il a été décidé que la Grande-Bretagne ne pouvait pas faire cavalier seul.
 
*Organisation terroriste interdite en Russie.
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