Recherche cluster désespérément: des contaminations volontaires au Covid chez les jeunes?

Les témoignages de jeunes souhaitant se contaminer au Covid-19 se sont multipliés. La raison? Ils souhaiteraient bénéficier d’un pass sanitaire sans passer par la case vaccin. Un phénomène marginal mais non moins inquiétant, traduisant le goût pour la transgression et une méconnaissance absolue des dangers, observe le sociologue David Le Breton.
Sputnik
Ils sont prêts à tout pour éviter de se faire vacciner et tester toutes les soixante-douze heures. Quitte à se faire contaminer volontairement au Covid-19! Toute saugrenue qu’elle soit, l’idée fait son chemin chez certains jeunes. Le stratagème leur permettrait d’obtenir un certificat de rétablissement valable six mois suivant leur contamination. Et donc un blanc-seing covidesque! Véritable tendance ou épiphénomène? Les témoignages sur les réseaux sociaux se multiplient.
«Honnêtement, si une amie me dit qu'elle a le Covid et si je sais que je peux m'isoler plusieurs semaines par la suite, j'irai peut-être la voir pour qu'elle me tousse dessus. Avoir un passe sanitaire est très important puisque sans, nous ne pouvons plus profiter des plaisirs de la vie», expliquait au Figaro une étudiante en philosophie de 20 ans. Sur les réseaux sociaux, un internaute indiquait quant à lui être à la recherche d’un «cluster en Basse-Normandie», a relaté France Info. Sur BFM TV, c’est un professionnel de santé qui a affirmé: «Certains [jeunes] s'échangent des adresses où il y a des risques de contamination» grâce aux informations délivrées par l’application TousAntiCovid.

«Ça passe ou ça casse» 

«D’une certaine manière, on est dans une ordalie» [épreuve médiévale où l’on se soumet au jugement de Dieu, ndlr], observe David Le Breton, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, auteur notamment de l’ouvrage Conduites à risque: des jeux de mort aux jeux de vivre, (Éd. Quadrige, 2002).
«C’est-à-dire que ça passe ou ça casse. Ceux qui veulent attraper le Covid-19 pour s’épargner les formalités de la vaccination et obtenir le pass s’en remettent quand même au sort. Pour le meilleur ou pour le pire», souligne le sociologue.
Certains d’entre eux auraient ainsi «intériorisé le fantasme qu’ils allaient être asymptomatiques et que cette maladie était finalement bénigne», affirme l’universitaire.
«Ils ont la conviction d’avoir l’étoffe des héros: ils pensent être suffisamment en bonne santé, suffisamment costauds et que ce n’est certainement pas à eux que le coronavirus va s’en prendre.»
À l’image de Lisa, une jeune femme de 20 ans, qui déclarait à France Info: «Dans le pire des cas, ça va me clouer au lit quelques jours, dans le meilleur des cas, je serai asymptomatique.» «Si jamais je vais en réanimation, évidemment que je le regretterai, mais je ne pense vraiment pas que ça ira jusque-là», concédait-elle.

Le goût de la transgression

Or, si effectivement les jeunes sont moins concernés par les formes graves de la maladie, c’est oublier la possibilité de souffrir d’un Covid long. Olivier Véran a d’ailleurs avancé le 22 juillet dernier devant le Sénat: «L'épidémie est portée aujourd'hui par les 10-40 ans.» «C'est une épidémie de jeunes, qui heureusement font peu de formes graves. Un certain nombre peut faire des Covid longs et être terrassés pendant des semaines voire des mois avec une perte d'énergie, des troubles du rythme cardiaque et d'autres symptômes tels que des douleurs chroniques», a explicité le ministre de la Santé. Selon une étude menée entre avril et juin au Royaume-Uni, publié en juin dernier, sur 962.000 cas de covid long, 10,8% concernaient les 2-24 ans.
Néanmoins, le sociologue souligne que d’autres éléments peuvent rentrer en ligne de compte dans cette volonté de se contaminer. Il avance notamment qu’il peut y avoir un «goût pour la transgression»: «L’État, la société disent qu’il faut se faire vacciner, mais nous on est jeune, on veut avoir notre propre opinion, on veut afficher une liberté de pensée, une autonomie.»
«Sur les jeunes générations il y a une espèce de dissidence intérieure en quelque sorte, qui fait que l’on n’a pas envie d’être le lot commun, le mainstream de la société. On veut essayer de s’affirmer dans sa singularité, dans sa différence. D’où la multiplication des conduites à risques.»
En outre, David Le Breton estime que ce phénomène souligne une ambivalence, un peu à l’image de la participation aux fêtes clandestines en plein confinement, en faisant fi des gestes barrières: «Je sais que c’est important de porter un masque par exemple, mais on peut se relâcher de temps en temps.» Et cela constitue un paradoxe pour le chercheur: «Soit les mesures barrières sont nécessaires tout le temps, soit elles ne le sont jamais.» Une contradiction qui se retrouverait donc aussi dans le fait de ne pas se vacciner, quand bien même le vaccin réduirait les risques de contamination.
«Certains connaissent les dangers. Ils veulent les affronter. Ils sont dans l’intensité d’être. Ils veulent élargir leur souveraineté sur le monde. Cependant, ce que l’on rencontre le plus souvent dans les conduites à risques, c’est une méconnaissance absolue des dangers», nuance David Le Breton.
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