L’entreprise américaine Apple vient de faire une annonce qui a fait bondir certains experts et utilisateurs. À partir de la prochaine mise à jour de son système d’exploitation, un programme interne détectera les images relevant de la pédopornographie à la fois dans les photos exportées vers son service iCloud Photos et les conversations privées.
Dans un communiqué, Apple assure que les conversations et les photos ne lui sont en réalité pas directement accessibles. Une photo qui est exportée est d’abord codée par le programme puis comparée à une base de données de pornographie infantile, elle aussi codée. Le tout se déroule sur l’appareil de l’utilisateur et va concerner uniquement les États-Unis dans un premier temps.
Si le système identifie une image comme problématique, celle-ci est ensuite révisée par un employé d’Apple, lequel peut alors contacter les autorités sur l’identité de la personne concernée. Google et Facebook ont déjà recours à ce type d’outil depuis plusieurs années pour supprimer automatiquement tout contenu problématique de leur site.
Surveillance de masse
Si la mesure part d’intentions louables, elle suscite l’inquiétude concernant la confidentialité des données, alors qu’Apple en faisait un argument marketing. L’entreprise est d’ailleurs régulièrement confrontée aux pressions des autorités américaines, notamment du FBI, pour leur donner accès aux données des utilisateurs dans le cadre d’enquêtes criminelles ou terroristes.
«Peu importe les bonnes intentions, Apple déploie une surveillance de masse sur le monde entier avec ça. Ne vous méprenez pas: s’ils peuvent scanner de la pornographie infantile aujourd’hui, ils pourront scanner n’importe quoi demain», a tweeté Edward Snowden, le lanceur d’alerte à l’origine des révélations des programmes de surveillance de masse aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Ce dernier a d’ailleurs lancé une pétition avec d’autres experts du domaine pour condamner cette «technologie d’analyse de contenu portant atteinte à la vie privée». «La proposition d'Apple introduit une porte dérobée qui menace de saper les protections fondamentales de la vie privée pour tous les utilisateurs de produits Apple», indique le texte.
Matthew Green, expert en cryptographie à l’université Johns Hopkins, s’inquiète qu’un tel outil puisse tomber entre les mains d’un gouvernement plus autoritaire, comme la Chine, pour développer une forme de main mise sur les contenus des smartphones de ses citoyens. Il rappelle également qu’Apple a déjà cédé face au FBI par le passé, refusant désormais de crypter les sauvegardes de ses utilisateurs sur iCloud.
Vers un accès légal aux données?
Pour Sergueï Polovnikov, directeur de l’agence analytique Content Review, Apple tente tout simplement d’obtenir une autorisation légale d’accéder aux données des téléphones. Bien que l’entreprise puisse facilement obtenir ces informations, il lui faut toujours demander une permission au préalable.
«[Apple] redéfinit complètement le concept de vie personnelle et de données personnelles et leur protection», s’est indigné l’expert dans un commentaire à Sputnik.
«Désormais, il sera également inscrit dans la loi que votre vie ne vous appartient plus», prédit-il.
WhatsApp refuse cet outil
Will Cathcart, directeur de l’application de messagerie WhatsApp, s’est dit lui aussi «inquiet» de cette annonce, affirmant qu’il s’agit d’une «mauvaise approche» et d’un «retour en arrière pour la vie privée des personnes du monde entier». Il a également assuré qu’un tel outil ne serait pas mis en place sur WhatsApp.
Actuellement, WhatsApp fonctionne sur le principe de signalements de contenus problématiques publics par les utilisateurs. Selon M. Cathcart, cela a permis de traiter 400.000 fichiers relatifs à de la pédopornographie en 2020, le tout sans «percer le cryptage». L’application utilise automatiquement la méthode du «chiffrement de bout en bout» sur tout contenu qui y est publié (photos, vidéos, messages écrits et vocaux, documents, etc.).
WhatsApp n’est pourtant pas exempt de tout reproche en matière de confidentialité, ayant déjà été épinglé pour ses nouvelles règles controversées concernant le partage des informations de ses utilisateurs avec sa maison-mère Facebook. L’annonce avait provoqué un exode massif vers d’autres applications de messagerie comme Signal et Telegram.