Au Québec, le pass sanitaire sera-t-il efficace? «Il n’y a pas de solution miracle»

Québec lui aussi opte pour un passeport vaccinal. Mais selon Paul Laurier, expert en cybersécurité, la mesure offrira un «faux sentiment de sécurité», d’autant que des documents contrefaits feraient vite leur apparition.
Sputnik
Le Québec a donc choisi d’imiter la mère patrie. Le 5 août, le Premier ministre de la Belle Province, François Legault, a annoncé qu’un passeport vaccinal serait instauré sur tout le territoire. La mesure vise d’abord et avant tout à éviter un reconfinement général, selon le chef du parti Coalition Avenir Québec.
Québec assure que la mesure garantira la sécurité des citoyens pleinement vaccinés dans les établissements où elle sera appliquée, comme les restaurants et les commerces. Pourtant, certains experts sont sceptiques.

«Les QR codes peuvent aussi être déchiffrés» 

C’est notamment le cas de Paul Laurier, expert en cybersécurité et ex-enquêteur de la Sûreté du Québec. «Ce genre de mesure en sécurise certains et en insécurise d’autres. Nous sommes encore un peu dans une dynamique d’essais et erreurs. […] Chose certaine, les documents contrefaits ont toujours existé et ils continueront d’exister, sous forme traditionnelle ou digitale. Les QR codes peuvent aussi être déchiffrés», estime-t-il.
«Il serait naïf de croire qu’il sera impossible pour certaines personnes de se procurer de faux passeports vaccinaux», avertit Paul Laurier.
En effet, la France, qui suit le même chemin, voit le marché des faux pass sanitaires fleurir depuis la mise en place du fameux sésame. Bien qu’il dise comprendre «les intentions du gouvernement», dans le contexte de la recrudescence des cas de contagion, le président-directeur général et fondateur de Vigiteck, une entreprise spécialisée en cybersécurité, évoque ainsi le «faux sentiment de sécurité» que la mesure risque de provoquer.
Face au «chantage» gouvernemental, ils préfèrent acheter un faux-vrai pass sanitaire par principe - témoignages
Invité à commenter la décision de François Legault, le Premier ministre canadien a laissé entendre qu’il était en accord avec cette mesure inédite au Québec:
«Les Canadiens ont compris que pour passer à travers cette pandémie, il fallait se faire vacciner. Ce n’est pas juste une question de choix individuels, mais aussi de protection de la communauté», a souligné Justin Trudeau en présence de Legault, alors que le déclenchement de la campagne électorale fédérale est imminent.
Qui plus est, le Canada devrait aussi faire face à la vaccination obligatoire pour certaines catégories de fonctionnaires fédéraux, comme l’a fait savoir Trudeau.

L’absence d’un vrai débat critiquée

Paul Laurier doute, pour sa part, de l’efficacité réelle qu’aura le passeport vaccinal:
«Quand on parle de pandémie mondiale, il n’y a pas de solution miracle. C’est un enjeu planétaire. Tant que les cas continueront à augmenter dans certains pays –comme en Inde–, les citoyens ne seront pas totalement à l’abri du virus. Il y aura toujours d’autres variants. Il est illusoire de penser qu’on va être complètement protégé du jour au lendemain.»
Pour justifier la décision de son gouvernement de centre, François Legault a affirmé qu’il était temps de «donner certains privilèges à celles et ceux qui ont accepté de faire l’effort d’aller chercher leurs deux doses du vaccin contre le Covid-19». «Actuellement, les individus qui se retrouvent à l’hôpital sont en grande majorité des personnes non vaccinées», s’est-il justifié devant les caméras.
Porte-parole du parti Québec solidaire, le deuxième groupe d’opposition à l’Assemblée nationale, le député Gabriel Nadeau-Dubois, a déploré qu’aucun débat n’ait eu lieu sur cette mesure au cœur de toutes les rumeurs:
«C’est une mesure qui n’a rien de banal et qui aurait dû être discutée en toute transparence au Parlement, avec des experts», a-t-il fait savoir par voie de communiqué.
Les détails entourant le fonctionnement du passeport vaccinal seront dévoilés dans les prochains jours. Le 5 août en soirée, 73,8 % des Québécois avaient reçu au moins une dose d’un vaccin contre le Covid-19. Depuis le début de la pandémie, environ 11.000 Québécois sont décédés de complications attribuées au virus, pour 8 millions d’habitants.
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