Sans aucun lien avec le mouvement Black Lives Matter mais souhaitant rétablir l’équité dans les échecs, où les pièces blanches offrent un avantage à leur détenteur, deux chercheurs du King’s College de Londres et de l’Université de New York proposent une modification des règles du jeu.
Dans leur étude intitulée Créer un équilibre entre les blancs et les noirs, Mehmet Ismail et Steven Brams proposent de «supprimer l’avantage injuste dont bénéficient les joueurs avec les pièces blanches».
64% des parties gagnées par les blancs
Selon les données des chercheurs, dans 64% des cas les parties jouées pendant des tournois d’élite qui ne se terminent pas par un pat sont remportées par les blancs.
Une récente étude menée avec l’utilisation d’AlphaZero, l’ordinateur le plus puissant au jeu d’échecs, a établi que sur 10.000 parties terminées avec un échec et mat, les blancs avaient gagné dans 86% des cas.
«L’avantage des blancs est incontestable, avance au Sunday Times Mehmet Ismail du King’s College de Londres qui étudie l’équité des règles des jeux depuis deux ans. On estime que si on joue avec les blancs, on cherche à gagner, et que quand on joue avec les noirs, on tente d’obtenir une partie nulle.»
Le même avantage pour le premier service au tennis
Selon lui, il en va de même au tennis ou au football: un certain avantage statistique appartient à celui qui réalise le premier service, et dans les séances de tirs au but, à celui qui tire le premier.
Avec le théoricien des jeux américain Steven Brams, il a mis au point une solution radicale, mais facilement réalisable, du problème de l’«impartialité blanche» aux échecs.
Leur système d’«alternance équilibrée» permet aux noirs de faire deux coups d’affilée après le coup initial des Blancs, puis ces derniers font leur coup double et le jeu reprend une alternance traditionnelle.
M.Ismail est sûr qu’un coup double des noirs après le premier mouvement des blancs diminue sensiblement le déséquilibre et ce changement «rendra les échecs plus équitables que toute autre réforme déjà connue».
Un jeu tout à fait différent
Le grand maître anglais Luke McShane, qualifié souvent de plus fort joueur amateur du monde, a déclaré au Sunday Times qu’il serait «curieux» d’apprendre les détails des résultats de cette étude, bien qu’il prévoie déjà plusieurs obstacles éventuels.
«Deux coups d’affilée, c’est un changement énorme dans le jeu. Ce n’est pas un léger changement de règles, c’est un jeu tout à fait différent. J’entends que l’avantage des blancs diminuera en effet, mais il le faudra payer cher: sacrifier la diversité des variantes d’ouverture. Ce serait triste», a-t-il expliqué au journal.
Un changement adressé aux joueurs ouverts au nouveau
Mehmet Ismail reconnaît que le monde des échecs «peut être très conservateur».
«J’attends réellement une réaction négative à cette proposition, mais j’espère que les joueurs ouverts au nouveau voudront l’essayer», a-t-il conclu.
Les auteurs de l’étude se proposent de la présenter lors de la prochaine conférence internationale EuroGames 2021 qui s’ouvre à Copenhague le 18 août.