Dans une interview au Parisien diffusée en ligne dimanche soir, le ministre dévoile le bilan 2020 «des «morts violentes au sein du couple», qui sera publié lundi.
Si 102 femmes -23 hommes- ont perdu la vie en 2020 dans ces circonstances - le chiffre le plus bas depuis 15 ans alors qu'en 2019 il avait été recensé 146 féminicides - le ministre souligne que l'année dernière a été particulière avec «deux confinements».
Néanmoins, poursuit-il, «le nombre d'interventions de la police et de la gendarmerie pour violences intra familiales reste très élevé: plus de 400.000, soit 45 interventions par heure». «Il ne se passe pas une journée sans que le GIGN ou le Raid aille libérer une femme ou des enfants pris en otage...»
Gérald Darmanin note que les violences intrafamiliales «sont en train de devenir le premier motif d'intervention des policiers et gendarmes».
Pour tenter de lutter contre ce fléau, le ministre de l'Intérieur annonce notamment le traitement prioritaire des plaintes pour violences conjugales, un officier spécialisé dans ces violences dans chaque commissariat et chaque brigade de gendarmerie.
Meurtre de Mérignac
Il tire également les leçons du féminicide de Mérignac, le 4 mai dernier, particulièrement atroce, pour lequel il avait demandé une mission d'inspection.
Cette mission avait conclu dans son rapport à une multitude de manquements qui avait conduit à ce que Chahinez, 31 ans, soit brûlée vive dans la rue par son ex-conjoint, après qu'il lui avait tiré dans les jambes pour la faire tomber.
M. Darmanin avait demandé à la mission d'inspection un nouveau rapport pour identifier les responsabilités. Le rapport remis la semaine dernière au Premier ministre n'a pas été rendu public.
Alors que le Canard enchaîné a révélé qu'un policier ayant pris une des plaintes de Chahinez avait été lui-même condamné pour violences conjugales et était en attente d'un passage en conseil de discipline, le ministre qualifie cette situation d'«inacceptable».
Et annonce avoir demandé au patron de la police nationale de saisir l'IGPN, la «police des polices», qui devra remettre son rapport dans 6 semaines.
Le ministre demande en outre que les conseils de discipline se réunissent «sous trois mois maximum» dans ce type de cas et que le policier concerné ne soit «plus en contact du public» dans l'attente d'une décision du conseil.
Tous les cas doivent se transformer «en plainte ou signalement»
Pour assurer un meilleur suivi de ces situations, le ministre met l'accent sur la consigne donnée aux policiers et gendarmes de faire «un signalement au procureur», l'objectif étant que «100% des constatations se transforment en plainte ou signalement».
Les mains courantes sont en outre proscrites «définitivement».
Pour faire face à un nombre accru des procédures (193.000 l'an dernier), M. Darmanin promet de favoriser le recrutement d'officiers de police judiciaire.
En outre, Gérald Darmanin souhaite que dans chaque département, il y ait «des équipes spécialisées dans la lutte contre les violences conjugales» (brigade de protection des familles en zone police; maison de protection des familles en zone gendarmerie).
Dès «la fin août», un responsable national sera nommé auprès du Directeur général de la police nationale (DGPN), du Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) et du préfet de police «sur le modèle de ce qui existe en matière de terrorisme et de drogue».
Enfin, concernant les armes à feu - un tiers des femmes sont tuées par arme à feu -, le ministre souhaite que le fichier des personnes mises en cause pour violences intra conjugales soit connecté à ceux des possesseurs d'armes et d'interdits de port, et que les forces de l'ordre les consultent «systématiquement».
«Cela permettra, dit-il, de vérifier si un mis en cause « pour de tels faits de violences «est détenteur d'une arme et donc de la lui retirer, sans même le témoignage de sa conjointe».