«Étant donné la situation compliquée, je pense que cela a du sens de considérer la question du déploiement de gardes-frontières russes sur toute la longueur de la frontière arméno-azerbaïdjanaise», a déclaré le 29 juillet Nikol Pachinian, Premier ministre arménien, durant une réunion gouvernementale.
Les soldats de part et d’autre de la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie marchent sur des braises depuis plusieurs jours. Alors que des escarmouches ont régulièrement lieu entre les deux camps depuis la signature du cessez-le-feu le 10 novembre 2020, les combats sont encore montés en intensité ces derniers jours.
Escalade aux frontières
Le 28 juillet, trois soldats arméniens stationnés à la frontière ont ainsi perdu la vie dans ces combats, a annoncé le ministère arménien de la Défense. Les deux camps se rejettent la responsabilité de ce qu’ils qualifient de provocation et profitent du flou actuel autour du statut de la frontière entre les deux pays pour avancer leurs pions.
Depuis le mois de mai, Erevan et Bakou négocient sur la mise en œuvre des accords signés en novembre dernier, qui portent notamment sur la délimitation des frontières entre les deux pays. C’est dans ce contexte que le chef d’État arménien, réélu le 21 juin, souhaite voir des forces russes s’interposer entre les deux belligérants afin de «mener à bien les travaux de démarcation et de délimitation sans risque d’affrontements militaires.»
Pour Ara Toranian, journaliste et directeur du magazine Les Nouvelles d’Arménie, la reprise des combats est surtout le fait de la volonté du camp azéri de grappiller de nouveaux territoires.
«Le tandem turco-azerbaïdjanais se sent en position de force après avoir gagné une guerre au rapport de forces totalement inégal. Ils veulent pousser leur avantage», estime-t-il au micro de Sputnik.
Ara Toranian rejoint donc l’avis de Nikol Pachinian sur la nécessité d’une plus grande présence russe afin de pouvoir mener à bien ces négociations. Selon lui, cette présence russe est même une question existentielle pour les Arméniens.
«Si les Azéris n’avancent pas plus, c’est parce que la Russie est présente à l’intérieur de l’Arménie avec des bases. Sans la présence russe, il n’y a plus de Haut-Karabakh et probablement plus d’Arménie.»
Quel intérêt auraient donc les Azéris à provoquer un conflit qu’ils ne peuvent gagner en raison de la présence russe? «Ils sont probablement en train de tester la scène internationale aussi pour voir s’ils n’ont pas de freins les empêchant de grignoter encore un peu plus de terrain à ce niveau-là», répond le journaliste.
Les éléments de pressions du côté de l’Azerbaïdjan peuvent en effet exister, estime Sergueï Markedonov, professeur de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou auprès du ministère russe des Affaires étrangères. Dans un entretien à Sputnik, ce dernier attire l’attention sur le fait que l’Arménie a de facto perdu la guerre, ce dont Bakou ne manquerait pas de profiter, forçant ainsi Erevan à ouvrir sur son territoire des corridors entre les deux parties de l’Azerbaïdjan.
«Ils ont toujours cet objectif plus ou moins fantasmé d’établir une jonction géographique entre Nakhitchevan au sud de l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour faire le lien avec la Turquie», avance pour sa part Ara Toranian.
Un non-sens, selon Mirvari Fataliyeva, présidente de la Maison d’Azerbaïdjan à Paris et secrétaire générale de l’Association des Amis de l’Azerbaïdjan. Pour elle, la recrudescence de violence entre Arméniens et Azéris est uniquement le fait d’Erevan, et ce pour une raison très simple:
«Les Arméniens font tout pour attirer l’attention de la communauté internationale afin que l’Azerbaïdjan subisse une pression.»
Pour ce faire, Erevan compterait, selon elle, sur ses importants relais au sein de la diaspora arménienne dans le monde. Et le moment est propice: les négociations sont en cours.
Washington et Paris à la manœuvre?
Des négociations qui, au final, n’ont même pas lieu d’être, estime Mirvari Fataliyeva, pour qui «tout a déjà été négocié et signé lors du cessez-le-feu de novembre dernier». «Le dossier est clos», martèle-t-elle.