«Ce n’est pas un plan de 20 milliards, mais au minimum 10 milliards par an qui seraient nécessaires pour réindustrialiser le pays», prévient Georges Kuzmanovic, président de République souveraine, à notre micro. Dans son collimateur, les annonces faites par le Président de la République au cours de son allocution du lundi 12 juillet. Parmi ces promesses, un plan d’investissement pour «bâtir la France de 2030 et faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain». En clair, de 20 à 30 milliards d’euros, sur une petite dizaine d’années, à destination de filières industrielles stratégiques d’avenir.
Selon des informations du Monde, à l’Élysée, «il y a la volonté de renforcer notre autonomie, notre indépendance, et de se projeter dans des filières d’avenir». À savoir les semi-conducteurs, les biotechnologies, les batteries, l’hydrogène, la santé, le nucléaire et une industrie décarbonée. Jusqu’ici marginalisé, ou souvent accolé au prudent adjectif «européen», le terme de «souveraineté» n’effraie plus le gouvernement, constate avec une pointe d’ironie Georges Kuzmanovic. L’ancien conseiller défense et politique étrangère de Jean-Luc Mélenchon n’attend en revanche pas grand-chose des mesures à venir. «L’effet de com’ des grandes annonces l’emporte une fois de plus sur une vision globale nécessaire à une vraie réindustrialisation du pays», déclare-t-il à notre micro.
Le choix «imposé» de la souveraineté
Au cours de son allocution du 12 juillet qui précisait les contours de la gestion à venir de la crise sanitaire, le Président annonçait la couleur. Parmi «les convictions fortes» énumérées par Emmanuel Macron, celle de «moins dépendre de l’étranger pour certains produits essentiels, certains services, certaines technologies». «La nécessité de la souveraineté s’est imposée à lui plus qu’il ne l’a choisie», analyse Georges Kuzmanovic.
«La crise sanitaire a révélé au grand jour les énormes dysfonctionnements dont souffre notre pays: les stocks de masques, l’incapacité à mettre au point des vaccins et, avant cela, à fournir des respirateurs en nombre suffisant…» recense le militant souverainiste au micro de Sputnik.
À ces «scandales» s’est ajouté celui du maintien de la suppression des lits d’hôpitaux en pleine crise sanitaire.
«Théâtrocratie» et impuissance
Lors de son allocution, le chef de l’État a évoqué la «nécessité de retrouver le chemin d’une indépendance française et européenne» en raison des «conséquences de la dépendance» révélées «durant cette crise». Un revirement qui s’inspire de l’étranger. «Emmanuel Macron est fasciné par ce que fait Biden», selon une source proche du Président citée par Le Monde. Le Président des États-Unis s’attelle en effet à son grand projet de rénovation et de développement des infrastructures. Un engagement chiffré à 1.200 milliards de dollars. En France, l’an dernier déjà, le plan de relance d’un montant de 100 milliards d’euros sur deux ans annoncé par l’exécutif prévoyait une large place à la réindustrialisation du pays.
«La France souffre de 40 milliards d’euros de désinvestissement industriel sur les dix dernières années, rappelle Georges Kuzmanovic. Avec deux années de Macron en tant que ministre de l’Économie et quatre années à la présidence, il est largement responsable. Il faudrait 10 milliards par an minimum pour recomposer notre appareil industriel et peser à l’international. On est loin des chiffres annoncés.»
Peut-on s’attendre à une massive relocalisation d’usines en France dans les prochains mois? Pour Georges Kuzmanovic, «la doxa néolibérale et européiste qui anime Macron» contredira à terme «ces effets d’annonce». Plus encore, le militant souverainiste appelle à une vision globale et non plus seulement à une «logique de com’» échafaudée par l’exécutif à quelques mois de l’élection présidentielle.
«Il faudrait en réalité des plans pluriannuels, un vrai secteur de planification comme à l’époque du général de Gaulle. L’industrie en France a toujours été mue par de grands projets et de grandes visions d’avenir. Tout ça est mis à mal à la fois par la financiarisation de l’économie et par les appels à la souveraineté européenne qui profitent in fine, comme le dernier plan de relance européen, à l’industrie allemande.»
Autant d’impasses et de contraintes avec lesquelles le chef de l’État, malgré ses récentes déclarations et ses appels à la souveraineté, n’entend certainement pas rompre, selon notre interlocuteur. Réponse à la rentrée prochaine.