Dans un livre intitulé 2034: A Novel of the Next World War (soit 2034: Un roman sur la prochaine guerre mondiale en français), l’ancien commandant suprême des Forces alliées de l’Otan James Stavridis avec l’écrivain et ancien marine américain Elliot Ackerman décrivent une éventuelle prochaine guerre mondiale qui serait déclenchée par un affrontement entre Washington et Pékin. Selon eux, un conflit sino-américain qui pourrait avoir lieu «d’ici une dizaine d'années» n’aura rien à voir avec ceux que le monde a connus au XXe siècle et, vu les changements auxquels l'équilibre des puissances actuel sera soumis, son issue pourrait être plus favorable à l’Empire du milieu.
«Les technologies autonomes, telles que les essaims de drones aériens et maritimes à bas prix couplés à des missiles hypersoniques, pourraient modifier l'équilibre des puissances sur les océans», estiment les auteurs du livre dans un article paru dans le Washington post se demandant si les États-Unis «aur[aie]nt la moindre chance» dans un tel conflit.
Nouvelle triade stratégique
M.Stavridis et M.Ackerman estiment que pour que les États-Unis sortent gagnant en cas de conflit avec la Chine, ils doivent se préparer en utilisant une stratégie particulière. Selon eux, la prochaine guerre verra apparaître une «nouvelle triade stratégique» comprenant notamment des technologies offensives du domaine cyber, des véhicules sans pilote et autonomes ainsi que des «forces d'élite».
Ainsi, affirment-ils, les Américains devront «sélectionner, former et employer» un moindre nombre «d'hommes et de femmes d'élite» qui auront «une mentalité semblable à celle des forces spéciales» et seront «capables de s'intégrer à la technologie de pointe en utilisant les percées biotechnologiques».
Les auteurs déplorent que pour l’instant, cette nouvelle triade ne soit «pas encore au centre de l'avenir» que les services militaires américains imaginent aujourd’hui.
«Nous continuons d'acheter et de fabriquer des systèmes d'armes conçus pour des conflits auxquels nous ne serons probablement plus confrontés».
En ce sens, ils soulignent l'importance d’une «pensée non conventionnelle», nécessaire afin que les États-Unis puissent anticiper les menaces futures et prendre des mesures visant à «éviter une crise avant qu'elle ne se déclenche».
Star Wars
Qui plus est, pour M.Stavridis et M.Ackerman, les zones de combat de l'éventuel conflit sino-américain s'étendront depuis bien au-dessous «de la surface de l'océan» pour atteindre «des constellations de satellites bien au-dessus de la Terre».
Une hypothèse qui intervient sur fond d’intensification de la rivalité sino-américaine dans la conquête spatiale -notamment avec une mission chinoise d’un robot téléguidé sur Mars lancée en mai ou une première mission habitée vers la station spatiale chinoise en cours de construction, démarrée en juin.
Un conflit sino-américain est-il inévitable?
Bien que, pour l’instant, les tensions sino-américaines se font ressentir surtout sur le plan économique avec comme exemple le plus parlant la guerre commerciale entre deux premières économies mondiales, un potentiel conflit militaire entre eux n’est surtout pas à exclure.
Les États-Unis, l’une des puissances dominantes après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la seule après la chute de l’URSS, doivent alors admettre le fait que la Chine va bientôt les dépasser dans une multitude de domaines.
Tandis qu’aujourd’hui, de plus en plus de politiques prennent conscience de cette dynamique historique, «personne n’a un plan fonctionnel pour échapper aux griffes de l’Histoire», explique l’auteur de la théorie dans une vidéo TED.
Le principal «point de friction»
Mais quid des déclencheurs d’un conflit armé direct? Bien que les États-Unis n’aient pas de relations diplomatiques officielles avec Taïwan -cette île séparée de la Chine mais toujours revendiquée par Pékin-, Washington reste son principal allié. Sans soutenir l’indépendance de l’île, les États-Unis ne renoncent pas non plus à leur «engagement à aider Taïwan à maintenir sa capacité défensive», indique le site du département d’État américain.
La position chinoise, elle est claire et univoque: à l’occasion du centenaire du Parti communiste chinois, célébré le 1er juillet, Xi Jinping a ainsi appelé à «achever la réunification» avec Taïwan.
Ainsi, aujourd'hui «Taïwan est de loin le sujet le plus probable pour engager les États-Unis et la Chine dans un conflit armé direct», explique Kharis Templeman, chercheur à la Hoover Institution auprès de l’université Stanford dans une vidéo de Bloomberg, publiée en juin.
Tout en précisant que la probabilité d’un tel conflit «n’est pas très élevée», ce spécialiste des relations internationales estime qu'à l'heure actuelle, la question taïwanaise «éclipse tous les autres potentiels points de friction dans les relations» sino-américaines.