«Avoir recours à la reconnaissance faciale dans les transports publics ne me semble pas raisonnable: la proportionnalité n’est pas non plus adaptée à la finalité. Il y a d’autres moyens à mettre en place pour avoir les mêmes résultats.»
Au micro de Sputnik, maître Thierry Vallat, avocat spécialiste dans le secteur des nouvelles technologies, est clair: l’application de la reconnaissance faciale prônée par le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes est une mesure excessive. «Je pense donc que cette tentative de monsieur Wauquiez devrait être retoquée assez prochainement», estime-t-il. Laurent Wauquiez a pourtant réussi à faire adopter le plan de sécurité pour sa région, le 19 juillet lors d’une assemblée plénière. Un projet qui comprend notamment un recours plus important aux caméras de surveillance, mais surtout l’utilisation de la reconnaissance faciale, à titre expérimental, dans les gares et dans les trains.
Pour l’ancien député des Républicains, il s’agit de «permettre, sur une réquisition de la police ou de la gendarmerie, de pouvoir exploiter des bandes d’images et de pouvoir trouver a posteriori des auteurs d’actes de délinquance, que ce soient des agressions sexuelles, que ce soient des crimes ou que ce soient des vols».
«C’est extrêmement tentant pour un homme politique de pouvoir se mettre en scène avec ces moyens technologiques», répond Me Vallat.
Des dérives inquiétantes
Pourtant, ces technologies biométriques ont été très régulièrement pointées pour les possibles dérives qu’elles pourraient engendrer.
Une telle mésaventure a été vécue par Robert Williams, un Afro-Américain qui a été détenu durant 30 heures en janvier 2020 à Détroit. La raison? Un logiciel avait jugé identiques la photo de son permis de conduire et l’image d’un voleur. Une étude menée par le National Institute of Standards and Technology montrait par ailleurs que même les algorithmes de reconnaissance faciale les plus performants avaient du mal à distinguer les visages de femmes à la peau noire.
L’avocat déplore que l’épidémie de Covid-19 ait «fait fleurir» son lot d’expérimentations pour des motifs de sécurité sanitaire. À l’image du décret du 10 mars dernier qui autorise le «recours à la vidéo intelligente pour mesurer le taux de port de masque dans les transports».
Se prémunir contre une société de surveillance généralisée
Pour tenter d’encadrer l’utilisation de ce type de dispositif, la Commission européenne a présenté un projet de réglementation de l’intelligence artificielle au sein de l’UE. Et plus particulièrement de la reconnaissance faciale pour la surveillance de masse dans l’espace public. Bruxelles a ainsi indiqué qu’elle serait admise dans des cas très précis comme la recherche d’un enfant disparu ou le contrôle d’identité à l’aéroport par exemple.
Autant d’éléments qui font dire à Me Vallat qu’il serait opportun qu’un texte de loi voie le jour en France afin «de préciser encore plus concrètement la prohibition de la reconnaissance faciale», notamment avec «des croisements avec des fichiers de police». Une utilisation problématique qui permettrait «de reconnaître quelqu’un dans une foule, de manière totalement anonyme sans que la personne ne le sache», détaille Thierry Vallat.
De son côté, la défenseure des droits a prévenu:
«Les avancées que permettent les technologies biométriques ne sauraient s’effectuer ni au détriment d’une partie de la population ni au prix d’une surveillance généralisée.»