Approuvé en 2001 sous George W. Bush, le programme du Pentagone pour construire, déployer et entretenir les chasseurs F-35 devait coûter au moins 1.500 milliards de dollars au contribuable américain. Mais après deux décennies de travaux de développement, et malgré les dépenses énormes, les F-35 sont toujours loin d’être très performants.
Comme l’indique le rapport du Government Accountability Office publié 13 juillet, Lockheed Martin n'a toujours pas résolu 872 défauts logiciels et matériels depuis la fin de la phase de développement en avril 2018.
S’exprimant le même jour devant la commission des forces armées de la Chambre des représentants, Darlene Costello, secrétaire par intérim de l'Air Force pour l'acquisition, la technologie et la logistique, a déclaré que 41 chasseurs de cinquième génération n'avaient pas de moteur en raison de problèmes de maintenance, tandis que 56 moteurs F135 sont actuellement en réparation sur la base aérienne de Tinker, en Oklahoma. Sachant que l’armée de l’air possède 272 jets F-35A, cela signifie que près de 15% sont sans moteur, constate Air Force magazine.
S-400 russe et retrait de la Turquie du programme
En avril dernier, Matthew Bromberg, président de la filière des moteurs militaires chez Pratt & Whitney, qui fabrique celui du F135, a expliqué devant la même commission que la pénurie est due en particulier à l’augmentation de 3% des coûts en raison du retrait de la Turquie du programme, sans compter les perturbations liées à la pandémie.
En 2019, le Pentagone a officiellement exclu Ankara du programme de F-35 pour avoir acheté des systèmes russes de missiles sol-air S-400, et ce alors que l’industrie turque produit environ 1.000 pièces pour le F-35, dont 188 associées au moteur, précise Bromberg.
Corruption au Pentagone
Interrogés par Sputnik, des experts américains pointent d’autres aspects qui expliquent pourquoi le programme de F-35 essuie un échec.
D’après Chuck Spinney, ancien officier de l'US Air Force et analyste du Pentagone, le fiasco actuel des F-35 est l'aboutissement de procédures d'achat du ministère de la Défense remontant à plusieurs générations.
«Je peux dire que cette catastrophe est un exemple saisissant de ce qui ne va pas avec les pratiques d'acquisition corrompues du Pentagone. Les promesses de réforme des acquisitions ne se sont pas concrétisées, et le F-35 a sombré dans le marais familier de la croissance des coûts et du dérapage des calendriers qui précèdent généralement un manque de performance», explique-t-il.
Ivan Eland, directeur de l'Institut indépendant pour la paix et la liberté, pointent des pathologies d'approvisionnement propre au complexe militaro-industriel américain et notamment «un manque de concurrence dans l'industrie de la défense oligopolistique avec un seul acheteur qui est le gouvernement».
«La surspécification des exigences du gouvernement et une réglementation excessive limitent la concurrence, entraînant ainsi une flambée des coûts, le décalage de calendrier et de performances compromises… Le F-35 souffre de toutes ces maladies de l'industrie de la défense», expose-t-il pour sa part.
Des technologies à la complexité absurde
Les problèmes rencontrés sur les F-35 font ressortir les tendances dangereuses propres à l’industrie militaire du XXIe siècle, observe l’historien Den Lazare, qui note que les chasseurs sont devenus plus rapides, plus complexes et plus informatisés. Mais alors que des avions comme le F-16 et l'A-10 Thunderbolt sont toujours rentables en termes de combat, le F-35 a poussé la complexité jusqu’à l’absurde.
Le logiciel du F-35 est plein de problèmes et est vulnérable au piratage, de sorte que le chasseur perd face au jet F-15 dans des combats simulés, souligne Lazare.
«Bien qu'ils soient conçus pour effectuer une multitude de tâches telles que bombarder, espionner et fournir un soutien au sol, leurs performances dans chacun de ces domaines sont inférieures à celles des avions spécialisés plus anciens et moins chers», conclut-il.