Une enquête de Mediapart publiée ce mercredi 14 juillet démontre qu'Éric Dupond-Moretti n'est pas le seul à profiter de ses fonctions de ministre pour intervenir contre des magistrats anticorruption.
Le Garde des Sceaux forcé de se dessaisir pour cause de conflit d'intérêts, le relais a été pris par les services du Premier ministre, lequel avait déjà saisi à deux reprises, le 16 et le 18 avril, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de magistrats anticorruption du Parquet national financier (PNF).
Selon Mediapart, il fallait agir vite, juste avant l'ouverture du procès de Nicolas Sarkozy (alias Paul Bismuth) dont Jean Castex était un ancien collaborateur à l'Élysée.
Les échanges de mails entre Matignon et le ministère de la Justice portent notamment sur la personne du procureur Patrice Amar, un des magistrats du PNF visé par le ministre de la Justice et contre lequel aucun reproche n'a été formulé par la mission d'inspection.
Aucun manquement aux principes déontologiques
Ce procureur, particulièrement redouté par Nicolas Sarkozy, a bénéficié des louanges de ladite mission qui a mis en exergue «les qualités humaines, les compétences techniques, l'aisance oratoire et la capacité à s'inscrire dans le lien hiérarchique» de Patrice Amar.
Mediapart ajoute, citant la mission d'inspection, que l'enquête déclenchée par le ministre «n'a pas permis d'objectiver […] un quelconque manquement de M.Amar aux principes déontologiques auxquels tout magistrat est soumis».
Matignon profite des réserves du PRF
Le conseiller justice de Jean Castex, Stéphane Hardouin, a alors profité de certaines réserves émises par le procureur de la République financier (PRF), Jean-François Bohnert, sur la personnalité de son subordonné M.Amar.
«La mission, après avoir relevé les réserves du chef du parquet, supérieur hiérarchique de l’intéressé, de manière très synthétique dans le corps du rapport voudra bien expliquer les raisons qui l’ont conduite à ne pas les mentionner dans ses conclusions dans l’appréciation de sa manière de servir dans un parquet en charge d’affaires particulièrement sensibles», a-t-il demandé par mail au patron de l'IGJ (inspection générale de la justice) Jean-François Beynel.
Des manquements relevés par Matignon
La réponse de ce dernier, d'après lequel «les déclarations de M.Bohnert ne sont étayées par aucun élément objectif», n'a pas empêché Jean Castex de saisir le Conseil supérieur de la magistrature d'une procédure visant Patrice Amar.
Selon Mediapart, Matignon a annoncé dans un communiqué diffusé le 18 avril que le Premier ministre avait décidé d'adresser au CSM une saisine visant le premier vice-procureur Patrice Amar «sous les qualifications de manquements aux obligations déontologiques de loyauté, de prudence, de délicatesse et d'impartialité».
«Il fallait décidément que l'affaire soit d'importance», résume Mediapart.
Le garde des Sceaux convoqué à la Cour de justice pour une mise en examen
Quant à Éric Dupond-Moretti, selon les informations de l'AFP, il est convoqué le 16 juillet à la Cour de justice de la République pour une mise en examen dans l'enquête sur des soupçons de prise illégale d'intérêts.
L'AFP détaille que la convocation a été remise au garde des Sceaux le 1er juillet en marge de la perquisition menée au ministère de la Justice dans le cadre de cette enquête.