Attentat de Nice en 2016: où en est l’enquête, qui sera jugé?

Cinq ans après l’attentat à Nice le jour de la fête nationale, huit accusés s’apprêtent à être jugés. Entre-temps, deux d’entre eux ont été libérés à cause d’un vice de procédure. Des centaines de témoins se trouvent toujours dans un état instable, des centaines d’enfants ont des phobies persistantes.
Sputnik

Ce 14 juillet, 45 policiers municipaux de la ville de Nice ont défilé sur les Champs-Élysées, une première. L’un d’eux portait un écusson en souvenir du 14 juillet 2016 et des 86 victimes de l'attentat de la promenade des Anglais. Ce soir à Nice, en leur hommage, 86 colombes seront lâchées dans le ciel, puis 86 faisceaux lumineux seront allumés au-dessus de la mer.​

​​Il y a cinq ans Mohamed Lahouaiej Bouhlel, un Tunisien de 21 ans, avait conduit sur près de deux kilomètres un camion-bélier sur la promenade des Anglais. Des témoins l’avaient entendu crier «Allahu akbar». L’attaque avait causé 86 morts et plus de 450 blessés. L’assaillant avait été abattu par les forces de l’ordre.

Une dizaine d’accusés

Après cinq ans, où en est l’enquête? L’auteur des faits mort, huit personnes, sept hommes et une femme ont été mises en examen. Une neuvième s’est suicidée.

Quelques jours après, l’attentat avait été revendiqué par l’État islamique*. Mais au fil des années, l’instruction n’a pas pu démontrer le lien direct de l’assaillant avec le groupe djihadiste. Néanmoins, dans leur ordonnance, les juges ont retenu «une démarche idéologique d’inspiration djihadiste» apparue plusieurs mois avant les faits.

L’enquête a duré près de quatre ans. Le procès aura finalement lieu en automne 2022 au Palais de justice de Paris, après celui des attentats du 13 novembre 2015.

Trois accusés principaux sont poursuivis pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle». D’après l’ordonnance de mise en accusation signée en novembre 2020, Mohamed Ghraieb, Chokri Chafroud et Ramzi Arefa sont suspectés d’avoir eu «conscience de l’existence d’un projet» d’attaque.

Les cinq autres sont poursuivis pour des délits de droit commun connexes. Ils sont accusés d'avoir aidé Mohamed Lahouaiej Bouhlel en lui fournissant une arme sans avoir forcément eu la connaissance de son intention.

Le procès se tiendra devant une cour d’assises spéciale, c’est-à-dire composée uniquement de magistrats professionnels. 865 personnes et associations se sont constituées parties civiles.

Libération inattendue

Avant le début du procès, l’affaire a été marquée par un imbroglio judiciaire. Après quatre ans de détention provisoire, en novembre 2020, deux des suspects ont été remis en liberté suite à un vice de procédure: l'ordonnance de mise en accusation avait été rédigée incorrectement. Ils ont immédiatement été placés sous contrôle judiciaire. Suite à cela le ministère de la Justice a ouvert une enquête, et le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a parlé de «grave dysfonctionnement».

Ces deux hommes de nationalité albanaise sont suspectés d’avoir fourni une arme au terroriste. Ils seront jugés pour «association de malfaiteurs à caractère non terroriste» et pour «infractions à la législation sur les armes».

Dispositifs de sécurité défaillants?

Les proches des victimes se demandent si la municipalité aurait eu les moyens d’éviter l’attaque en mettant en place des dispositifs anti-intrusion. En parallèle de l’enquête principale, des familles ont déposé plainte sur l’efficacité de ces dispositifs, notamment sur l’absence de blocs de béton pour bloquer les véhicules. Cette instruction est toujours en cours.

«Il existe des charges importantes qui justifient la mise en examen et le renvoi devant le tribunal de plusieurs responsables tant au niveau de la préfecture que de la municipalité», a affirmé en mai 2020 auprès de l’AFP l’avocat Yassine Bouzrou, qui défend des parties civiles.

L'enquête n'a pas encore amené de mise en examen, étant actuellement au stade des expertises et contre-expertises.

Des victimes toujours dans un état instable

L’attaque a laissé des milliers de personnes traumatisées. Pour l’instant, le Fonds de garantie des victimes (FGTI), structure qui prend en charge les victimes des attentats, a adressé une offre d’indemnisation définitive à 85% des 2.429 personnes concernées, pour un total de 83 millions d'euros, a communiqué le FGTI le 5 juillet.

360 personnes n'ont pas encore été indemnisées définitivement «en raison de l’absence de stabilisation de l’état de santé», précise le FGTI.

«L’attentat de Nice qui visait une manifestation par nature familiale a pour particularité le nombre élevé de victimes mineures: 25% de l’ensemble des victimes», constate le fonds.

Par ailleurs, le fonds recense 1.683 personnes blessées psychiques. Selon l’AFP, 300 enfants sont toujours suivis à l'hôpital Lenval de Nice pour le psychotraumatisme subi. Certains gardent des phobies persistantes: peur des camions, de la foule, des pétards, des feux d'artifice.

​*Organisation terroriste interdite en Russie.

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