Trafic de tabac vers l’Europe: nette baisse du flux de cigarettes en provenance d’Algérie

Le cabinet de conseil KPMG a rendu publique une étude sur la consommation de cigarettes illicites en Europe dans laquelle il relève une nette diminution du trafic en provenance d’Algérie. Un constat relayé par le groupe Philip Morris, récemment l'objet d'accusations de trafic de cigarettes en provenance de ce pays du Maghreb.
Sputnik

Dans le secteur du tabac, la pandémie de coronavirus a eu pour effet de provoquer une baisse du trafic de cigarettes en provenance d’Algérie et d’augmenter la production et la consommation de cigarettes contrefaites en Europe. C’est ce qui ressort de l’étude du cabinet international d’audit et de conseil KPMG rendue publique le 24 juin dernier.

Intitulé «consommation de cigarettes de contrefaçon & contrebande (C&C) et consommation totale», ce rapport indique qu’en 2020 l’entrée de paquets de Marlboro (marque du groupe la plus vendue en France) produits en Algérie a baissé de 78% suite à l’arrêt des liaisons aérienne et maritime.

«Les flux provenant d’Algérie, historiquement une source importante de flux entrants vers la France, ont diminué de 78% pour atteindre 0,4 milliard de cigarettes en 2020, car les voyages aériens et maritimes entre la France et l’Algérie ont baissé en raison de la fermeture des frontières et de la cessation des vols d’une compagnie aérienne majeure fin 2019», est-il indiqué dans ce rapport.

Fourmis vs grossistes

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La compagnie aérienne à laquelle fait référence KPMG est Aigle Azur qui a fait faillite en 2019. Le cabinet d’audit laisse donc entendre que l’essentiel du trafic vers la France, environ 500 millions d’euros, est le fait de «fourmis», ces voyageurs qui transportent plusieurs cartouches à chaque déplacement. Une thèse à laquelle n’adhère pas Raouf Farrah, chercheur en géopolitique et analyste senior pour Global Initiative, un centre de réflexion mondial sur le crime organisé.

«L’étude dit que le nombre de voyageurs a enregistré une baisse de 75% en 2020, le lien est donc fait avec la baisse de 78% du trafic de tabac. Mais il faut relativiser le fait que ce soit des citoyens qui transportent des cartouches de cigarettes pour faire de la revente. En fait, ce sont des réseaux très organisés qui ont la capacité d’acheminer des quantités importantes de cigarettes par voie maritime vers Marseille, mais aussi vers les ports de l’Espagne et du sud de l’Italie. Mais il est évident que la France reste le marché de destination privilégié», souligne le chercheur.

Raouf Farrah explique que cette baisse est «conjoncturelle». «Le trafic de cigarettes devrait revenir à son niveau initial dès que les transports reprendront», note-t-il. Un fait est cependant à relever: l’étude de KPMG a été suivie par la publication d’un communiqué de presse du groupe Philip Morris International (PMI) qui a mis en avant cette forte baisse du trafic en provenance d’Algérie. L'entreprise américaine possède 49% du capital d’Arab Investors-TA, qui est actionnaire à hauteur 49% de la Société des Tabacs Algéro-Emiratie (STAEM), principal producteur de tabac en Algérie. À ce titre, elle a fait l'objet d'accusations d'inonder le marché noir français, à partir de l'Algérie.

L’analyste de Global Initiative indique que «les données de KPMG sont probablement crédibles, mais il est important de relever que cette étude a été commandée et financée, partiellement ou totalement, par Philip Morris», croit-il savoir, en l'absence de toute confirmation de la part des parties concernées.

«À la lecture de la note de KPMG, Philip Morris se félicite de cette baisse et veut ainsi projeter l’image d’une entreprise qui protège les intérêts des États. En réalité, c’est une entreprise qui se saisit de la flexibilité des règles des pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb pour inonder ces marchés en termes de production et transférer une partie de son stock vers les pays européens», insiste Raouf Farrah.

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L’étude de KPMG fait également ressortir une augmentation de 2% de la consommation de cigarettes illicites (produits de contrefaçon) durant la crise sanitaire, mais surtout une hausse de 87% de la production des cigarettes contrefaites, passant ainsi de 4,8 à 10,3 milliards d’euros. Le cabinet d’audit indique que ces grandes quantités ont été produites illégalement en France (six milliards d’euros), en Grèce (1,6 milliard d’euros) et en Pologne (600 millions d’euros), sans apporter plus de précision sur la nature de leurs producteurs.

Cette étude intervient quelques mois après les accusations de Raoul Setrouk, ancien collaborateur de Philip Morris, qui assure que la multinationale approvisionne le marché européen, notamment français, à partir de l’Algérie. Le rapport de KPMG vient donc présenter une nouvelle réalité, les cigarettes contrefaites étant désormais produites par d'autres acteurs, sur le territoire de l’Union européenne.

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