Ces dernières années, la Belgique connaît une véritable montée de l'islamisme et les autorités ne mesurent pas l’ampleur du phénomène, affirme dans une interview à Marianne Fadila Maaroufi, militante belge et fondatrice de l'Observatoire des fondamentalismes à Bruxelles.
«Il y avait eu les attentats de Paris et les attentats de Bruxelles et pourtant, j'avais le sentiment qu'on ne prenait toujours pas la mesure du problème», avance-t-elle.
La monté de l’islamisme a eu lieu progressivement, note-t-elle: «Dans les années 1980, c'était encore assez cosmopolite. Puis, petit à petit, on a vu les populations belgo-belges s'en aller. J'ai été témoin de la montée de l'islamisme, mes sœurs sont voilées alors que mes parents portaient des pantalons pattes d’éléphants» à Cureghem, un quartier de Bruxelles situé à côté de Molenbeek.
D’après les estimations de Corinne Torrekens, professeure de science politique à l'Université libre de Bruxelles, le pays recensait en 2018 environ 600.000 personnes musulmanes, dont 10% ne sont pas pratiquantes, pour une population totale de 11,5 millions d’habitants.
«Il était devenu inconcevable que je ne me voile pas. […] J'ai aussi constaté combien il était devenu difficile de parler, par exemple, des violences intrafamiliales dès lors qu'il s'agissait de communautés musulmanes. Cette montée de l'islamisme m'a beaucoup préoccupée», avoue Fadila Maaroufi.
Radicalisme belge
Selon les données du ministère belge de l’Intérieur, si la police fédérale avait enregistré en 2010 149 cas de terrorisme, extrémisme et radicalisme, en 2020 cette proportion a augmenté de 64% pour atteindre 245.
L’année dernière, Paul Van Tigchelt, patron de l'Organe de Coordination pour l'Analyse de la Menace (OCAM), a fait savoir dans une interview à RTBF que les services de sécurité et de renseignement avaient développé une liste répertoriant des radicalisés en Belgique. 700 personnes y sont inscrites.
«Malheureusement, rapporté à sa population, la Belgique a produit plus de terroristes et de djihadistes que tous les autres pays d'Europe, y compris la France», a déclaré en 2018 au Figaro Alain Destexhe, ex-sénateur et fondateur du parti Libéraux démocrates, trois ans après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Des attaques planifiées depuis Molenbeek.
L’affaire Haouach
Ces dernières semaines les débats sur la neutralité de l’État se sont enflammés en Belgique à cause des remarques d’Ihsane Haouach, représentante du gouvernement pour l'égalité des femmes et des hommes, nommée à ce poste en mai. Elle est devenue la première personne voilée à occuper cette fonction.
Début juillet, dans une interview au journal Le Soir, elle a déclaré que la séparation de l’Église et de l’État devait refléter l’évolution démographique et le nombre croissant de musulmans en Belgique: «La discussion n'est pas: est-ce qu'on remet en cause la séparation de l'Église et de l'État ? C'est: comment la décline-t-on avec un changement démographique».
Dans le contexte de la polémique engendrée, la presse belge a exhumé une interview d’Ihsane Haouach accordée au «European forum of Muslim Women», organisation liée aux Frères musulmans*. Elle y regrettait qu'il n'y ait pas «de véritable lobby» musulman, que la communauté musulmane soit «à la traîne» même si elle est «une réelle force politique».
Sous la pression des critiques, elle a donné vendredi 10 juillet sa démission en arguant des raisons personnelles et le cyberharcèlement. Ce 12 juillet plusieurs médias belges ont évoqué un rapport de la Sûreté de l’État présenté au Premier ministre Alexandre De Croo, selon lequel l’intéressée aurait côtoyé des membres des Frères musulmans*.
Pour Fadila Maaroufi, ce mouvement est la cause de nombreux problèmes: «L'influence des Frères musulmans* à Molenbeek et plus généralement en Belgique a commencé à fabriquer des islamistes».
*Organisation terroriste interdite en Russie