Le Spoutnik V met le feu aux poudres entre Paris, Moscou et Athènes

Alors que le Spoutnik V attend depuis des mois le feu vert de l’EMA, les règles d’entrée pour les vaccinés avec cette préparation divisent au sein de l’UE. Si la Grèce est prête à les accepter sur son sol, la France regrette cette décision. Moscou juge pour sa part «discriminatoire» la position de Paris.
Sputnik

Le russe Spoutnik V, le chinois Sinovac et l’harmonisation des règles d’entrée sur son territoire donnent encore du fil à retordre à l’UE, voire divisent ses membres. Alors que l’EMA prend son temps pour considérer les demandes d’homologation, Paris a reproché à Athènes sa décision d’accepter sur son sol des personnes vaccinées avec le vaccin russe ou chinois.

«C’est une question scientifique»

Invité du Grand rendez-vous ce dimanche, le secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, est revenu sur le pass sanitaire européen qui ne reconnaît que les vaccins autorisés par l’Agence européenne des médicaments (EMA), tout en s’adressant à la Grèce.

«Je regrette que la Grèce fasse ainsi […] On préfère, on souhaite que les vaccins qui soient reconnus en Europe soient uniquement les quatre qui sont validés -ce n’est pas une question politique, c’est une question scientifique- par notre Agence européenne des médicaments commune. L’immense majorité des pays européens –il n’y en a que trois qui font différemment- reconnaît uniquement ces quatre vaccins, et c’est le cas de la France», a-t-il détaillé.

Alors que le variant Delta menace l’Hexagone d’une nouvelle vague et qu’il fait déjà des ravages en Russie, le responsable français assure qu’il ne s’agit pas d’une discrimination, mais d’un moyen de «rassurer les Français».

«On ne rentre pas en France avec le pass sanitaire si on a un vaccin russe ou chinois. Pas parce qu’on discrimine la nationalité, mais parce que c’est ça qui est sûr, ce sont les seuls quatre vaccins qui ont été validés par l’Agence européenne», a-t-il expliqué au micro d’Europe 1.

Moscou juge «discriminatoire» la position de Paris

Ces propos ont provoqué une virulente réaction de la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, qui n'a pas mâché ses mots.

«Nous condamnons la France pour de telles déclarations discriminatoires de son représentant de haut rang qui ravivent en Europe l'esprit de ségrégation néo-nazi», a-t-elle posté sur Telegram.

«Contrairement au ministère français des Affaires étrangères, Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique français sur les vaccins Covid-19, a déclaré l'autre jour qu'elle considérait le vaccin russe Spoutnik V efficace.»

La longue procédure de l’autorisation du Spoutnik V dans l’UE

Cela fait plus de quatre mois que le Fonds russe d’investissements directs (RFPI), coproducteur de la première préparation anti-Covid au monde enregistrée en Russie en août 2020, attend le verdict de l’EMA concernant l’examen du Spoutnik V par l’Agence -une procédure qui a été lancée début mars. Entre temps, 70 pays à travers le globe ont adoubé la substance.

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Pour l’instant, le régulateur européen a autorisé l’usage de quatre vaccins anti-Covid, à savoir celui de Pfizer/BioNTech, le produit de Moderna, l’AstraZeneca et la préparation de chez Johnson & Johnson. Ni le produit russe ni le chinois n’en font partie. D’après le Président du Conseil des ministres italien, Mario Draghi, qui s’est exprimé à ce sujet fin juin, le Spoutnik V «pourrait ne jamais obtenir l'approbation de l'EMA».

D’ailleurs, en pratique, les pays de l’UE peuvent contourner la procédure de l’EMA en homologuant tel ou tel produit à l’échelle nationale. Cela notamment a été le cas de la Hongrie et de la Slovaquie, dont les populations ont été vaccinées notamment avec le Spoutnik V.

Reconnaissance réciproque des certificats Covid?

La polémique autour de la reconnaissance de la vaccination avec la préparation russe n’aurait même pas pu avoir lieu si l’UE et la Russie avaient eu un système commun de reconnaissance mutuelle des certificats Covid. Une telle proposition a d’ailleurs été évoquée le 8 juillet par l’ambassadeur de l’UE en Russie, Markus Ederer.

«Il serait utile si nous parvenions à nous entendre sur la reconnaissance mutuelle des certificats de la Russie ou des certificats délivrés par l’Union économique eurasiatique (UEEA)», a déclaré le haut diplomate lors d’un point de presse.

Compte tenu du fait que la Russie ne reconnaît pas non plus les vaccins autorisés dans l’UE, cette initiative paraît particulièrement positive et bénéfique pour les deux parties: les Russes voulant se rendre en UE comme les citoyens des pays membres qui envisagent d’aller en Russie.

À la recherche du touriste russe

D’ailleurs, si la Grèce a décidé de reconnaître la vaccination anti-Covid par le produit russe en cette période de vacances d’été, c’est sans doute pour le bien de son secteur touristique. Depuis déjà un moment, la Grèce qui historiquement attire les touristes en provenance de Russie, crée des conditions favorables à leur venue malgré la pandémie en toile de fond. Ainsi, depuis septembre 2020, le pays a fixé un plafond hebdomadaire du nombre de Russes autorisé à y entrer. Ce seuil a progressivement augmenté (de 500 à 4.000 personnes) pour finalement être abandonné à la mi-mai. Désormais, un nombre illimité de touristes russes -sous réserve qu’ils aient un test PCR négatif ou qu’ils se soient fait vacciner- peut passer ses vacances au ce pays des Hellènes.

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La Grèce en effet peut se targuer d’être une destination aimée des Russes. Selon une étude sur sa «réputation touristique» parue en mars dernier, au moins un Russe sur cinq affirme avoir déjà avoir été en Grèce au moins une fois dans sa vie. Cette attirance s’avère d’autant plus forte dans le contexte actuel où l’accès aux destinations dites classiques, comme la France ou l’Italie, leur est soit restreint soit tout simplement interdit.

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