Le Dr Fouché appelle à «créer des filières de soins en ville» pour mieux conjurer les rebonds épidémiques

La vaccination reste-t-elle l’unique stratégie face aux épidémies à venir? Sans nier son rôle, le médecin marseillais Louis Fouché souligne l’importance d’une bonne politique de prévention. Il appelle à structurer la médecine de ville pour permettre aux services d’urgence d’anticiper les crises.
Sputnik

Que l’on évoque une «reprise d’épidémie», une «nouvelle vague» ou de «nouveaux variants», le constat est le même: la pandémie de coronavirus semble s’être installée dans le temps. «On pensait en avoir fini avec le Covid, mais finalement, il revient», constate Emmanuel Macron selon Le Monde.

Face à cette menace en continu, Louis Fouché, médecin réanimateur à Marseille et créateur du réseau Reinfocovid, refuse de céder à la fatalité. Il prescrit des solutions à mettre en place à moindre coût.

«Je suis assez d’accord avec l’idée que les épidémies vont perdurer. C’est une illusion de vouloir éradiquer un pathogène, puisqu’un autre viendra à sa place.»

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Richard Horton, le rédacteur en chef de The Lancet, vient de lancer un terme: désormais, on parle de syndémie. Ce concept souligne que l’épidémie tape là où ça fait mal. Elle appuie sur les failles qui existaient déjà «dans la santé des gens et dans le système de santé, ainsi que dans tout le système politique et économique», précise notre intervenant.

La prévention comme clé de voûte

Le praticien marseillais souligne que le pathogène Sars-CoV2 met en évidence les problèmes des organismes hôtes. Le mal frappe les personnes «qui ont déjà des maladies chroniques, avec des hypertensions artérielles, du diabète, une obésité»… Les formes graves se développent chez les malades qui ont une immunité défaillante, «en rapport avec le monde défaillant».

«Ainsi, le premier enjeu de la santé est un enjeu de prévention: améliorer l’état de santé général de notre population. Il faut arrêter de faire comme si tout allait bien, comme s’il était normal d’avoir un niveau d’obésité aussi important qu’en Amérique», tacle le Dr Fouché.

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Ce constat sur l’état sanitaire de la population pousse à craindre que «d’autres pathogènes puissent arriver et avoir le même effet».

«La prévention est la première stratégie. Elle est à la fois la moins coûteuse et celle qui génère le plus d’emplois. Elle permet d’endiguer d’autres épidémies. Elle inverse les courbes de santé à long terme et diminue les dépenses en médicaments», détaille notre interlocuteur.

Cette stratégie doit inclure «un travail sur le stress, sur la nutrition, sur l’agro-alimentaire, sur la relation sociale, sur la joie, sur les informations dont les gens sont abreuvés chaque jour».

La vaccination comme le talon d’Achille

Le concept de vaccin obligatoire pour les soignants, préconisé par le Conseil scientifique, continue à faire son chemin. Même le Dr Raoult a incité ses collègues «à se rapprocher de leur centre de vaccination».

​Face à cette accélération de la vaccination et confronté à l’idée de l’immunisation obligatoire de la population, le Dr Fouché propose de prendre du recul sur la stratégie du «tout vaccinal». Ainsi cite-t-il les exemples de l’Angleterre et d’Israël: «Ça ne marche pas. Malgré un pourcentage élevé de population doublement vacciné, un variant resurgit.»

«Pour soulager l’hôpital, la vaccination est intéressante sur les personnes à risques. Et on est à 85% de vaccinés dans cette population. Le boulot est fait. Pourquoi continuer à embêter les autres? Si, malgré la vaccination, ils se retrouvent à l’hôpital, cela veut dire que cette stratégie ne fonctionne pas. Peut-être, vacciner à outrance n’est-il pas la bonne stratégie?» s’interroge le médecin phocéen.

Pour le Dr Fouché, surtout, «on est loin de ce que nous a annoncé le laboratoire pharmaceutique et l’efficacité du vaccin est loin de 95%». Et notre interlocuteur de citer le taux mesuré dans les Ehpad en  France: «Chez les gens fragiles, l’efficacité tourne autour de 14%

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Une étude menée par Joël Belmin, s’appuyant sur vingt-sept clusters recensés en mars et avril 2021, avance que l’efficacité du Pfizer chez les résidents d’Ehpad serait de 35% pour la prévention de l’infection, de 59% pour la prévention des formes graves et de 75% pour la prévention des décès.

«On n’est pas tous égaux dans la réponse à la vaccination en termes d’effets secondaires et de bénéfices. Il faut accepter l’idée qu’elle doit être ventilée par âges, par variants et par facteurs de risque», assure Louis Fouché.

Entre-temps, le ministre de la Santé incite fortement le personnel soignant des Ehpad à se vacciner, puisque le taux de vaccination y est inférieur à celui de l’ensemble de la population.

Les soins en ville plutôt que les urgences

Les questions purement sanitaires ne peuvent pas occulter les questions éthiques. Le cofondateur du réseau Reinfocovid refuse de les passer sous silence: «Faut-il continuer à soulever les vaccinés contre les non-vaccinés? Faut-il s’obstiner à créer une sorte d’apartheid contre les non-vaccinés? Faut-il, d’une manière totalitaire, nier les libertés individuelles?»

«Il faut envisager d’autres stratégies. L’idéal serait de créer des filières de soins en ville. Accepter que l’épidémie reste là et qu’on sache en bonne partie la traiter», préconise Louis Fouché.

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Le réanimateur propose de mettre de côté le débat sur l’efficacité de la thérapie par l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine, même si «au niveau des cliniciens, ces médicaments sont utiles contre cette maladie». Même si «on ne saurait dire à quel point», puisque l’on recense «plus de 270 études sur l’hydroxycloroquine parues en moins d’un an».

«Bon, d’accord, on ne veut pas cliver les gens, parce que les études scientifiques sont frelatées dans un sens ou dans un autre. Laissons ça de côté. Mais la vitamine D, le zinc, la vitamine C? Se nourrir correctement, faire du sport? On peut faire ça. C’est une question d’organisation», assure le praticien.

Pour «renouer le premier lien santé avec la population», une solution serait de passer par un généraliste et un infirmier de ville.

«Il faut réinvestir massivement dans la médecine et la santé de ville! En mettant en place un “parcours patient”, passant par une consultation de prévention avec un généraliste et une orientation vers l’infirmière coordinatrice. On peut mettre en place le même système au niveau curatif, pour cerner si la personne présente des risques d’évaluer vers une forme grave», détaille le Dr Fouché.

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L’organisation est déjà claire dans la tête de notre interlocuteur! Il appelle à la création d’un «réseau de soins pluridisciplinaire en ville». Fort de son expérience au sein de l'hôpital de la Conception à Marseille (Bouches-du-​Rhône), il prône l’anticipation dans la surveillance de la maladie. Par exemple, la tenue permanente d’un carnet de surveillance des constantes vitales par une infirmière à domicile permettrait de saisir le moment où «ça tourne vers la gravité» et servirait à «déterminer l’évolution des soins, sans hospitalisation systématique».

«Pour les territoires qu’on qualifie de “désert médical”, le réseau de téléconsultations développé en période de pandémie peut venir en aide. Il faut juste organiser et coordonner les tâches de gens qui travaillent actuellement en silo [chaque département opère dans son coin, ndlr] au lieu de travailler en interconnexion. C’est aux agences régionales de santé de faire ça», conclut le Dr Fouché.

Notre interlocuteur donne quelques exemples sur lesquels s’appuyer. Par exemple, le réseau associatif «Soignons humain», près de Lille. Créé en 2019, il met en contact des infirmiers, des aides-soignants et des auxiliaires de vie. Ainsi, au sein de l’association, les infirmières à domicile ne se contentent pas de prodiguer des soins. Elles interviennent «en communauté», pour concilier les intérêts des patients et des professionnels. L’objectif est également de reconstituer les liens sociaux et familiaux. Parfois, le simple fait qu'un voisin passe vérifier que tout va bien contribue à améliorer les choses…

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