Une situation exceptionnelle. Marianne Benoit-Truong Canh, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes, tire la sonnette d’alarme: pour la première fois, les maternités sont confrontées à une pénurie de candidatures qui pourrait les frapper cet été. En cause? Des difficultés pour recruter.
Chaque année, les maternités ont en effet pour habitude d’employer de jeunes diplômées afin de compenser les absences liées aux congés estivaux. Mais c’est de plus en plus difficile.
Les jeunes diplômées se détournent des maternités
Marianne Benoit-Truong Canh dévoile les dessous du problème: «Celles qui sont en poste fuient et celles qui devaient prendre le relais ne viennent pas.»
«C’est une hémorragie à bas bruit. Le temps d'activité en salle de naissance d’une sage-femme est maintenant de cinq à dix ans puis elle s’en va. Avant c’était une vingtaine d’années», affirme-t-elle.
Une période d’activité en maternité plus courte qui n’est donc pas toujours compensée. Ainsi, les jeunes diplômées «ne veulent plus travailler à l’hôpital», alors que, auparavant, elles «allaient directement exercer dans les maternités et les salles d’accouchement» car c’était en quelque sorte une «consécration», affirme Marianne Benoit-Truong Canh. Dorénavant, environ 40% d’entre elles «partent dans un exercice libéral».
«Pour les 60% restantes, un certain nombre est tellement dégoûté des salaires et les contrats qu’on leur propose, ainsi que par les conditions d'exercice qu’elles préfèrent ne pas travailler dans ces structures», déplore la vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes.
Un manque d’attractivité des maternités lié à des perspectives professionnelles peu réjouissantes. Ainsi, elles se voient proposer des «CDD complètement précaires», avec des rémunérations «qui ne respectent pas la grille salariale des sages-femmes».
En moyenne, les jeunes diplômées «gagnent 1.400 euros net, alors que, sur la grille, cela commence en théorie à 2.000 euros». Un salaire que Marianne Benoit-Truong Canh juge «très faible» et «inadapté au vu des compétences et responsabilités».
«Pas de sages-femmes, pas de maternité»
D’autant plus que le Ségur de la santé n’aurait pas répondu aux maux qui touchent la profession. «Il y a eu des revalorisations pour tous les professionnels de santé, mais aucune pour nous», regrette-t-elle.
«Il devait y avoir une ouverture des négociations, notamment pour les revalorisations salariales, après une mission l'Inspection générale des affaires sociales [l’IGAS, ndlr], qui devait rendre ses conclusions en juin, mais nous sommes en juillet et nous n'avons aucun retour du gouvernement. Pas de réponse.»
Or les conditions de travail sont difficiles.
«Vous avez un afflux de patients qui peut être extrêmement difficile à gérer: vous pouvez parfois suivre trois ou quatre femmes en travail puis il y a quatre autres urgences qu’il faut aller voir en même temps. C’est énorme, personne ne se rend compte de la charge de travail.»
Le rythme est éreintant. Elles enchaînent des jours et des nuits. Mais, surtout, pèsent lourdement sur leurs épaules de très lourdes responsabilités.
«En salle de naissance, le cœur du danger, dans les urgences en obstétrique, vous n’avez pas le droit à l’erreur: derrière c’est la vie d’une femme et d’un enfant.»
Les difficultés de recrutement risquent d’obliger des maternités à fonctionner en sous-effectif. D’où une incidence sur «la sécurité des patientes». Marianne Benoit-Truong Canh prévient que cela pourrait se traduire de différentes manières: «Vous avez prévu d’aller accoucher à tel endroit, on vous prévient pour vous dire que ce n’est pas possible, car on manque de sages-femmes, donc vous allez accoucher ailleurs.» Elle mentionne un autre cas: «une très forte augmentation du nombre d’accouchements et un sous-effectif de sages-femmes peuvent engendrer de très longues attentes aux urgences des maternités. Cela peut entrainer un risque médical pour les patientes.»
«Ce n’est pas dans la tradition du Conseil de l’ordre d’être alarmiste. Mais là, un véritable problème de santé publique émerge. On ne dit pas que toutes les femmes vont avoir un accouchement compliqué demain, mais on arrive dans une zone à risque médicale.»
Marianne Benoit-Truong Canh espère que les pouvoirs publics vont s’emparer du sujet. En effet, sans sages-femmes, pas de maternité.