Les Américains ne sont plus les bienvenus en Irak et les milices iraniennes le font savoir.
Très tôt ce jeudi 8 juillet, trois roquettes ont ciblé l’ambassade américaine à Bagdad. Déployant leurs batteries de défense C-RAM, ces derniers ont intercepté les projectiles en l’air. Mais les groupes chiites ont intensifié leurs tirs depuis le début de la semaine. Ainsi, ont-ils attaqué la base aérienne d’Aïn el-Assad en Irak, l’aéroport international d’Erbil au Kurdistan et la présence américaine en Syrie près du champ pétrolier d’Al-Omar.
Cette escalade des tensions intervient plusieurs jours après le bombardement américain à la frontière syro-irakienne le 27 juin, qui a tué cinq combattants de groupes armés pro-iraniens. Dans la foulée, les différentes milices ont juré de se venger. Qais al-Khazali, secrétaire général d’Ahl al-Haq, l’une des principales milices chiites irakiennes, a affirmé que les attaques sur les intérêts américains continueraient «tant que toutes les forces d’occupation ne seront pas parties.» Même son de cloche du côté des Brigades de revanche de la mort d’Al-Mohandis, qui ont promis «de forcer les Américains à quitter le territoire irakien.»
Mais cette intensification de la pression sur les Américains resterait tout même «contrôlée et mesurée», estime un militaire français qui a été présent en Irak au sein de la coalition internationale.
«Les milices chiites qui attaquent les intérêts américains sont inféodées et financées par l’Iran. Mais, derrière l’effet d’annonce des tirs de roquettes, il faut savoir que ces tirs sont rarement efficaces, ce qui est souvent fait exprès. Les Iraniens ne veulent pas provoquer la riposte américaine, donc il s’agit d’un harcèlement de basse intensité», précise-t-il sous couvert d’anonymat au micro de Sputnik.
En effet, malgré la cinquantaine d’attaques sur les intérêts américains en Syrie et en Irak depuis le début de l’année «seulement un “contractor” [mercenaire, ndlr] américain est mort d’une crise cardiaque», souligne notre interlocuteur.
Une escalade «contrôlée et mesurée»
Les Américains n’hésitent pas de leur côté à frapper quand leurs intérêts sont directement menacés. Joe Biden a déjà bombardé deux fois la Syrie et l’Irak en février et en juin dernier. «Ils ont différents plans de frappes en fonction de la situation», précise le militaire français. À deux reprises, le Pentagone a visé la localité d’Abou Kamal. Une région hautement stratégique pour l’Iran.
«Les services de renseignements iraniens fourniraient une aide aux terroristes»
Une chose est sûre, pour atteindre ce but, les combattants pro-Iran ne lésinent pas sur les moyens: «ils mettent en place de nombreux checkpoints, des barrages pour sécuriser les routes et les voies d’accès de ce corridor terrestre», révèle le militaire français. À l’en croire, les milices iraniennes pousseraient davantage leurs pions en profitant de la présence de l’État islamique*.
«L’État irakien souhaiterait n’avoir qu’une armée souveraine sur le terrain pour finalement retirer les milices de son territoire. Mais finalement, la lutte contre Daech* sert de prétexte aux milices pour continuer leurs actions dans le pays. Pour maintenir la présence des milices, les services de renseignements iraniens fourniraient une aide aux terroristes», accuse même l’officier.
Un jeu de dupes qui permettrait ainsi aux milices iraniennes d’étendre leur influence en Irak. Elles disposeraient d’environ 130.000 soldats dans le pays. Un poids considérable qui contrebalancerait le pouvoir chancelant de Bagdad. Les groupes chiites agissent majoritairement selon les directives iraniennes et dominent plusieurs régions du pays.
«Mais tant que les Américains seront dans la région, les Iraniens ne pourront pas agir librement», estime l’homme de terrain. Et pour cause, leurs intérêts sont antagonistes.
Une base de la CIA en Syrie
La présence américaine serait donc vouée à durer malgré les annonces régulières d’un repli des forces étasuniennes de la région. En effet, en septembre dernier, Washington avait annoncé une diminution des effectifs, passant de 6.000 à 2.500 soldats sur place. Un repli qui n’en serait en fait pas un:
«Il y a toujours environ 6.000 militaires américains en Irak, seulement les effectifs sont comptés différemment. Et lorsqu’ils annoncent un repli, les troupes vont stationner dans des bases au Koweït avant d’être redéployées selon la conjoncture», affirme-t-il.
Cette présence américaine ne risquerait pas de décroître, bien au contraire. En plus des visées sur l’Irak, la Syrie intéresse de plus en plus les Américains pour diverses raisons. Ils sont déjà présents dans le Nord-Est syrien «pour empêcher les compagnies russes d’exploiter le pétrole et pour maintenir une pression sur Damas», souligne le militaire avant d’ajouter que les États-Unis auraient découvert «des terres rares», ce qui constituerait un enjeu stratégique de taille pour Washington. Pour agir rapidement, les Américains auraient également construit des pistes «à Hassaké et Tal Tamr», nous indique notre interlocuteur. En d’autres termes, la Syrie ne serait pas près de recouvrir la totalité de son territoire.
«Il y a également la base d’Al Tanf, qui est extrêmement importante pour les Américains; elle se situe à la frontière jordanienne, irakienne et syrienne. C'est une des principales bases de la CIA pour le renseignement régional et le Pentagone finance des milices pour sécuriser cette zone. Outre la présence de pistes aériennes pour les gros porteurs, c’est un nœud autoroutier d’où ils peuvent déployer des blindés lourds vers la Syrie ou l’Irak: il y a un vrai enjeu stratégique», précise-t-il avant de conclure: «la présence américaine est massive et facilement réarticulable.»
*Organisation terroriste interdite en Russie