«La vague sera de grande ampleur si on prend les mesures adéquates trop tardivement», prévient d’emblée le Dr Alexis Hautemaniere au micro de Sputnik.
L’hypothèse d’une «quatrième vague» de l’épidémie de Covid-19 en France semble prendre de l’épaisseur. Ce dimanche, Olivier Véran a indiqué sur Twitter que «depuis cinq jours, le virus ne baisse plus, il réaugmente». L’explication? Le variant Delta, désormais responsable de «près de 30% des contaminations» selon Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Une progression exponentielle: la semaine dernière, il ne représentait encore que 20% des cas recensés.
«L'exemple anglais montre qu'une vague est possible dès la fin juillet», ajoute le ministre de la Santé et des Solidarités. «L’accélération paraît plus importante que ce qu’on pouvait imaginer avec les modèles mathématiques», constate le Dr Hautemaniere, médecin épidémiologiste et hygiéniste à Avranches, faisant allusion notamment à l’étude de l’Institut Pasteur qui avait mis en garde contre une quatrième vague pour cet automne. Notre intervenant, lui, anticipait jusqu’à présent une «situation compliquée pour août-septembre».
«L’éventualité d’une quatrième vague est liée à trois facteurs: la propagation du variant Delta, la moindre efficacité de la vaccination face à ce variant, et enfin le relâchement des gestes barrières.»
Impensable il y a encore quelques semaines, alors que le taux d’incidence continuait sa décrue, la possibilité d’un rebond épidémique dans les jours qui viennent n’a malheureusement plus rien de fictionnel, estime notre interlocuteur. «Le variant Delta est beaucoup plus contagieux que les autres. Quand un malade contaminait trois personnes, celui-ci va désormais en contaminer cinq ou six.»
Le variant Delta serait de 40 à 60% plus contagieux
«On ne peut se contenter d’analyser les valeurs relatives ou les valeurs absolues», nuance Alexis Hautemaniere. «Même si la mortalité diminue, plus vous avez un nombre élevé de malades, plus le nombre de décès augmente logiquement.»
Un scénario qui s’est d’ailleurs vérifié en Inde, où le variant Delta est apparu initialement au printemps dernier. Au pic de l’épidémie en mai, le nombre de contaminations y culminait à environ 400.000 par jour, pour environ 3.000 morts quotidiens. Si le chiffre est important en soi, il est à pondérer si on le rapporte à une population totale de 1,366 milliards d’individus. L’Inde vient d’ailleurs de franchir la barre des 400.000 décès depuis le début de la pandémie de Covid-19, contre 111.000 en France sur 67 millions d’habitants.
En toute logique, si le variant Delta continue sa progression sur le territoire français, il fera un certain nombre de victimes en raison de sa plus grande contagiosité. Et ce, en dépit d’un taux de létalité plus faible. «Le seul moyen d’éviter une nouvelle vague, ce sera de mettre en place de nouvelles restrictions sanitaires», tranche le Dr Hautemaniere.
Les vaccins moins efficaces face au variant Delta
D’autant plus qu’un paramètre non négligeable est à prendre en compte: l’efficacité des vaccins face à cette nouvelle mutation du virus. Selon une étude israélienne, le vaccin de Pfizer-BioNTech ne serait efficace qu’à 64% face au variant Delta, contre 95% contre les autres formes du virus. Selon Public Health England, l’efficacité chute même sous les 60% dans le cas du vaccin AstraZeneca.
«On sait que le vaccin est moins efficace avec le variant Delta. À hauteur de 60% à 70% au lieu des 95% estimés face aux précédents variants», confirme le Dr Hautemaniere.
En théorie, les différents vaccins sont supposés prévenir les formes graves du virus. Avec toutefois une marge d’erreur plus importante face au variant Delta. À l’heure actuelle, le nombre d'hospitalisations en Angleterre ou en Israël ne grimpe pas significativement, malgré la présence majoritaire du variant à hauteur de 90% dans ces deux pays. Chez nos voisins britanniques, le nombre de cas de Covid-19 croît de 70% par semaine en moyenne, mais les hospitalisations quotidiennes n’augmentent «que» de 11%. Doit-on continuer d’ériger le fameux taux d’incidence (nombre de cas pour 100.000 habitants) au rang de critère essentiel afin de mesurer le développement de l’épidémie?
En Allemagne, la question se pose désormais ouvertement. «Le taux d'incidence devient de moins en moins significatif au fur et à mesure que la campagne de vaccination progresse», a fait valoir Jens Spahn, le ministre de la Santé. «L'incidence reste un élément majeur de connaissance de l’épidémie», objecte Alexis Hautemaniere. «Le seul critère ne peut pas être le nombre d’entrées en réanimation; le nombre d’arrêts maladie ou le nombre de personnes qui vont contracter des formes longues est aussi important. Ce sont deux éléments qui ne sont pas du tout regardés», plaide l'épidémiologiste. Face à la menace de nouveaux variants dans les semaines ou les mois qui viennent, seule une «vaccination massive» de l’ensemble de la population permettrait d’envisager une sortie de crise selon lui.
«Ce qui fait un variant, ce n’est pas la vaccination. Le principe d’un virus, c’est qu’il se réplique en permanence à chaque contamination. Un variant, c’est une erreur de transcription au moment de la réplication virale. Plus vous tardez vacciner, plus vous aurez de malades, et donc plus le risque d’avoir des variants sera élevé», conclut l’épidémiologiste.