Un juge d'instruction parisien a été saisi le 14 juin quant aux soupçons de «corruption» autour de la vente en 2016 de 36 avions Rafale à l'Inde, a indiqué ce vendredi 2 juillet le Parquet national financier (Pnf), confirmant une information de Mediapart. Cette information judiciaire a été déclenchée par une plainte avec constitution de partie civile le 22 avril de l'ONG Sherpa, qui a contourné le refus du Pnf en 2019 d'investiguer sur cette vente controversée conclue en septembre 2016 entre la France et l'Inde pour 7,8 milliards d'euros.
En avril, Mediapart avait accusé dans une série d'articles le Pnf et l'Agence française anticorruption (AFA) d'avoir «enterré» les soupçons entourant cette vente.
Le site évoquait aussi des «millions d'euros de commissions occultes» versées à un intermédiaire qui a aidé Dassault à conclure la vente, dont «une partie […] aurait pu être reversée sous forme de pots-de-vins» à des officiels indiens.
À la suite de ces articles, les avocats de Sherpa, Me William Bourdon et Vincent Brengarth, avaient déposé plainte pour «corruption» et «trafic d'influence actifs et passifs», recels et blanchiments de ces délits, ainsi que «concussion» et «recel de favoritisme».
Prenant acte de cette plainte avec constitution de partie civile, qui entraîne la désignation quasi-automatique d'un juge d'instruction, le Pnf a décidé le 14 juin un réquisitoire introductif ouvrant cette information judiciaire sur les qualifications «visées par la plainte de l'association Sherpa».
Le Pnf ne s'oppose donc pas aux investigations demandées par Sherpa, alors même qu'il avait classé en juin 2019 une première dénonciation de l'association datant de fin 2018 sans ouvrir d'enquête préliminaire.
Avec cette première plainte, Sherpa avait en effet déjà demandé au Pnf d'enquêter sur les soupçons entourant cette vente, dénonçant en particulier le choix du partenaire indien, Reliance, entreprise d'un homme d'affaires proche du Premier ministre indien, Narendra Modi.
Au moment de la vente, l'entreprise avait financé un film co-produit par Julie Gayet, compagne du Président de l'époque, François Hollande.
Ce dernier s'était défendu de tout conflit d'intérêts, affirmant que la France n'avait «pas eu le choix» du partenaire indien de Dassault.
Jean-Yves Le Drian, actuel ministre français des Affaires étrangères et ex-ministre de la Défense sous François Hollande, avait affirmé plusieurs fois que Paris n'avait subi «aucune pression» de New Delhi.
Le Monde avait révélé ensuite mi-avril 2019 que la France avait annulé en 2015 un redressement fiscal visant Reliance, au moment où se négociait cette vente.