C’est un sujet brûlant: ces derniers jours, le Canada a battu tous ses records de chaleur. La température la plus élevée enregistrée a été de 49,6 °C dans le village de Lytton, en Colombie-Britannique. Province maritime l’extrême ouest du pays, elle est la plus touchée de la fédération. Du jamais-vu sur un territoire réputé pour ses hivers glaciaux.
Les autorités ont annoncé qu’au moins 130 morts étaient liées à cette canicule débutée le 25 juin dernier. Un bilan qui risque de s’alourdir car du 25 au 28 juin, ce sont 233 décès sans autre cause apparente qui ont été rapportés au total.
«Les coroners rassemblent prudemment toutes les informations disponibles sur chacun de ces décès pour déterminer la cause de la mort et si la chaleur excessive a pu y contribuer», a déclaré par voie de communiqué la coroner en chef de la Colombie-Britannique, Lisa Lapointe.
Professeur à l’Université du Québec à Montréal, Alejandro Di Luca indique que ces pics de chaleur sont produits par des causes qui sont parfaitement naturelles mais amplifiées par le réchauffement climatique. La stagnation des anticyclones –ces zones de haute pression atmosphérique souvent synonymes d’ensoleillement– explique la situation:
«Le record canadien a été battu de presque cinq degrés. C’est beaucoup. […] Nous ne verrions pas une telle intensité sans la variable du réchauffement climatique. […] Ici, le processus qui semble être une anomalie complète est le très fort blocage des anticyclones. Normalement, les anticyclones bougent de l’ouest vers l’est, mais ces derniers jours, ils ont stagné. D’autres études seront nécessaires pour déterminer si le réchauffement a un impact sur ce genre de blocage», observe l’universitaire.
Le phénomène rappelle la vague de chaleur qu’a connue la France en août 2003, souligne le chercheur en sciences du climat. Durant ce mois, dont plusieurs Français se souviennent, environ 14.800 décès ont été attribués à la canicule, touchant des personnes âgées en grande majorité.
«Les vagues seront de plus en plus fréquentes»
«C’est un peu l’équivalent de ce qu’on a vu en France en 2003, mais aussi en Russie en 2010. Ce sont des cas d’étude avec lesquels on peut faire des parallèles intéressants», constate notre interlocuteur.
La réponse au phénomène du réchauffement est bien connue: réduire la production des gaz à effet de serre à l’échelle globale car «les vagues seront de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses», avertit le professeur. Une solution qui nécessiterait un degré de cohésion exceptionnel de la part des principaux États émetteurs de GES.
Récoltes ruinées, feux de forêt
Dans une optique de santé publique, les gens fragiles et sensibles à la chaleur devront sans doute compter sur leur climatiseur ou s’en procurer un. En Colombie-Britannique, seulement un tiers de la population est dotée d’un système minimal de climatisation, selon une enquête menée en 2020 par BC Hydro, la société d’État chargée de produire et de distribuer l’électricité dans la province.
Il est encore trop tôt pour déterminer et prévoir le nombre exact de morts attribuables à la chaleur au Canada, estime Alejandro Di Luca. Surtout que la canicule n’est souvent pas l’unique cause du décès. En revanche, on peut déjà anticiper de petites catastrophes pour certaines catégories d’agriculteurs dont les produits nécessitent beaucoup d’eau, comme les fraises.
«La crise devrait se dissiper d’ici à quatre ou cinq jours. Les ondes commencent à bouger vers l’est. On a passé le pire, mais on peut s’attendre à une augmentation des feux de forêt […]. C’est une température extrêmement haute avec une humidité relative très basse. C’est l’un des premiers ingrédients des feux de forêt», conclut le professeur de climatologie.