La pandémie pousse-t-elle les Français du Québec à repartir?
Selon un récent article du journal La Presse, intitulé «Adieu, le Québec!», les citoyens français établis dans la Belle Province sont plus nombreux qu’avant la crise à vouloir se réinstaller dans l’Hexagone. Un tiers des expatriés français dans le monde y réfléchissent très sérieusement, d’après les résultats d’une consultation menée cet hiver par l’Observatoire de l’expatriation.
«Les signaux que nous avons, qu’il s’agisse des inscriptions sur les registres consulaires ou dans les lycées français ou des échanges que nous avons avec nos clients, montrent qu’il y a un peu plus de retours qu’à l’habitude», constate Vincent Joulia avec La Presse, membre du Directoire de la Banque Transatlantique de l’Observatoire de l’expatriation.
Une petite augmentation, mais peut-être significative et annonciatrice, car la plupart des citoyens hexagonaux semblent encore en être au stade de la réflexion. Plusieurs Français ont confié à La Presse que des raisons familiales motivaient leur décision ou leur volonté de repartir en France. La pandémie et les nouvelles contraintes liées au voyage auraient grandement amplifié leur sentiment d’éloignement et d’isolement.
Mesures sanitaires: «un désir de ségrégation»
Mais tous les Français songeant à partir ou sur le point de le faire ne retourneront pas vivre dans leur patrie, et tous ne sont pas motivés par des raisons familiales ou économiques. En mars dernier, Sputnik avait constaté que de nombreux Québécois songeaient à quitter la Belle province pour un pays où les mesures sanitaires étaient plus souples, voire quasi inexistantes. Ces Québécois ont choisi d’aller s’établir au Costa Rica, au Mexique, en République dominicaine, en Espagne, au Texas, en Floride ou dans un autre État américain.
«Jusqu’à présent, le Québec était l’endroit où je me sentais le plus chez moi. Je m’y sentais plus à la maison qu’en France. Mais en ce moment, il y a une dérive inquiétante en ce qui concerne cette supposée situation d’urgence sanitaire. Il y a beaucoup d’incohérences de la part du gouvernement, mais le débat et le questionnement sont refusés. Je travaille en science, et la base de la science est de poser des questions», souligne cette universitaire à notre micro.
Sans surprise, le ministère canadien de l’Immigration a aussi constaté que beaucoup moins de Français avaient migré dans la province francophone durant la pandémie. Selon les données du ministère, le nombre de titulaires de permis de travail uniques est passé de 16.330 à 4.140 entre 2019 et les quatre premiers mois de 2021. À la même période, le nombre de permis d’études délivrés à des étudiants français est passé de 11.805 à 2.880.
Retourner en France? «C’est vraiment l’enfer, là-bas»
Française vivant dans la petite municipalité de Deschaillons-sur-Saint-Laurent, dans le centre du Québec, Valérie Giguière songe aussi à repartir, «mais surtout pas en France», laisse-t-elle tomber. Comme Marie-Laurence Jardin, elle voudrait déménager dans une autre province canadienne, si possible en Colombie-Britannique, où le «climat social et le climat tout court» seraient plus agréables.
«Je suis au Québec depuis 25 ans. J’ai payé très cher ma place pour avoir plus de liberté. Mais aujourd’hui, c’est pire au Québec qu’en France, et là-bas c’est déjà vraiment l’enfer! […] Je suis vraiment choquée de constater à quel point le gouvernement québécois prend les gens pour des cons. Aujourd’hui, les Français se couchent comme les Québécois. Je ne comprends pas ce qui leur arrive», déplore l’ex-directrice d’une municipalité québécoise.
En matière de mesures sanitaires, les disparités entre certains États américains et le Québec ont souvent été soulevées ces dernières semaines. Surtout depuis que le mythique club de hockey des Canadiens de Montréal affronte les Golden Knights de Las Vegas, en demi-finale de la Coupe Stanley.
Vu du Québec, les USA, un eldorado de liberté
En effet, à Las Vegas, les tribunes sont remplies à bloc, alors qu’à Montréal, le Premier ministre Legault a dû revoir à la hausse le nombre de spectateurs autorisé: 3.500. Le contraste dans les gradins est frappant.
«Mon mari est camionneur. Il va aux États-Unis trois fois par semaine. Il me rapporte ce qui se passe, dans la réalité et le quotidien des Américains. Il change de planète trois fois par semaine!», souligne Valérie Giguière.
Même son de cloche, ou presque, du côté d’un couple installé depuis plusieurs années dans la région de la Montérégie. Il déplore surtout «l’absence de débat et de réflexion dans les médias et parmi la population elle-même» sur le confinement et les mesures sanitaires. Jean-Marc Pivot (nom modifié) et Jacqueline Magny (nom modifié) ne prévoient pas non plus retourner dans la vieille métropole. Ils disent attendre l’automne pour prendre une décision définitive. Ils espèrent que toutes les mesures et contraintes liées au virus auront alors été levées par le Premier ministre François Legault.
«Nous avons rencontré des gens extraordinaires au Québec et au début, nous flottions sur un nuage, mais il s’est produit comme un choc culturel durant la crise. Le débat fait partie de notre culture. Nous aimons profondément le Québec, alors c’est une sorte de rupture avec lui. […] Nous avons vu qu’il y avait une fausse ouverture et un désir de ségrégation entre les gens vaccinés et non-vaccinés. […] Nous nous sommes heurtés au néant», tranchent-ils sur ce ton amer.
Le retour progressif à la normale en poussera-t-il certains à se raviser?