Dupond-Moretti «n’a pas jugé utile de signaler» que les bulletins de la gauche étaient absents de son bureau de vote

À Cousolre, village du Nord où le garde des Sceaux est allé voter, il n’était pas possible de donner sa voix pour la liste de gauche. Benjamin Saint-Huile, maire d’une commune voisine et candidat sur cette liste, revient pour Sputnik sur l’un des couacs qui ont plombé ces élections régionales.
Sputnik

Dans la matinée du dimanche 20 juin, Éric Dupond-Moretti est arrivé au bureau de vote de Cousolre, commune du Nord où il a grandi. Il s’est emparé des différents bulletins et a accompli son devoir de citoyen, notamment face aux caméras de BFM TV. Il n’a toutefois pas semblé remarquer qu’une liste était absente, celle de la gauche et des écologistes menée par Karima Delli pour les Hauts-de-France.

Benjamin Saint-Huile, maire de Jeumont, président de la communauté d’agglomération de Maubeuge-Val de Sambre (dont fait partie Cousolre), et troisième sur cette liste dans le Nord, en a été alerté par des électeurs et s’est rendu sur place. «J’ai en effet pu constater qu’il était matériellement impossible de voter pour la liste, car les bulletins de vote n’étaient pas présents», confirme-t-il à Sputnik.

«Le garde des Sceaux, qui figure sur une liste concurrente, […] sait qu’il s’agit là d’un dysfonctionnement, et il n’a pas jugé utile de le relever et de le signaler au président du bureau de vote», s’étonne l’édile. Ainsi, ce n’est qu’à la suite de son appel que la préfecture a été prévenue et que les bulletins de vote ont été apportés, vers midi.

Quelles conséquences?

Pendant quatre heures, les Cousolreziens n’ont pas eu la possibilité de voter pour la liste de Karima Delli, la seule du pays qui représentait ensemble les quatre principaux partis de gauche que sont le Parti socialiste, Europe-Écologie-Les Verts, La France insoumise et le Parti communiste français au premier tour. «Le matin, c’est là où les gens votent le plus», souligne Benjamin Saint-Huile.

L’équipe de campagne de Mme Delli a toutefois décidé de ne pas engager de recours, la situation ne concernant qu’environ 1.500 inscrits, dont une grande partie, comme partout en France, ne s’est pas rendue aux urnes. «C’est plutôt une question de sincérité du scrutin, d’égalité républicaine, de liberté de vote qui est questionnée», explique l’élu.

À qui la faute?

Il revient normalement au maire d’assurer que l’ensemble du matériel est disponible pour le bon fonctionnement du scrutin. Cousolre avait toutefois été frappée par l’annulation du résultat des municipales par le tribunal administratif.

Ce n’est qu’au terme d’une nouvelle élection en mai 2021 qu’Albert Jallay a pris ses fonctions de la commune, sans maire depuis plusieurs mois. Un contexte qu’a rappelé Benjamin Saint-Huile, qui «n’incrimine pas» la mairie. «Ça fait 15 jours qu’ils sont en place, ils découvrent le fonctionnement», plaide-t-il.

La gauche au Conseil régional

Passée cette mésaventure, le candidat socialiste se réjouit que cette élection permette enfin à la gauche de placer ses pions au prochain Conseil régional. En 2015, elle s’était retirée au profit de Xavier Bertrand pour faire barrage au Front national, lui supprimant cette possibilité. «En termes démocratiques, c’était un peu une anomalie», estime-t-il.

Au premier tour, la liste de Karima Delli a frôlé les 19%, troisième derrière le président sortant (41,39%) et le candidat du Rassemblement national Sébastien Chenu (24,38%). «Ce score est décevant par rapport à l’union de la gauche inédite que nous avons réussi à construire dans les Hauts-de-France», reconnaît-il. Il compte néanmoins, avec ses colistiers, «apporter de la contradiction au Conseil régional, contrairement au Rassemblement national qui n’a pas vraiment d’idée et de projet pour la région».

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