«Les États-Unis ne considèrent plus le Moyen-Orient comme une région centrale, mais ce n’est pas le cas de la Chine», résume le consultant. En 1990, les exportations chinoises vers le Moyen-Orient représentaient seulement 10 milliards de dollars contre 220 milliards de dollars en 2016, soit une multiplication par 20. Depuis l’annonce du projet des nouvelles routes de la soie en 2013, le Président chinois Xi Jinping montre en effet un intérêt croissant pour le Moyen-Orient. Cette région est au carrefour des marchés asiatique et européen. Ainsi, la Chine devient-elle, par l’intermédiaire de son initiative commerciale, peu ou prou
un acteur régional incontournable.
Comme l’illustre la tournée de Wang Li, chef de la diplomatie chinoise, au Moyen-Orient en mars dernier, Pékin discute avec tous les acteurs régionaux. Au cours de sa visite, le ministre des Affaires étrangères chinois s’est rendu en Iran, en Arabie saoudite, en Turquie, à Bahreïn, aux Émirats et à Oman. Une diplomatie active qui témoigne donc de l’importance de la région pour l’Empire du Milieu. Une importance qui se traduit dans les chiffres:
«Les échanges commerciaux entre la Chine et le Moyen-Orient représentent 267 milliards de dollars, les investissements avoisinent les 100 milliards de dollars. Pékin est le premier fournisseur de dette d’Oman et du Koweït. Il est le premier partenaire technologique des Émirats arabes unis et il va également gérer le grand projet nucléaire en Arabie saoudite, avec 80 milliards de dollars», précise Younes Belfellah.
Sans oublier la signature du partenariat commercial et militaire entre Pékin et Téhéran. Du fait des nombreuses tergiversations américaines sur le dossier du nucléaire iranien, la Chine s’est positionnée comme une réelle alternative pour Téhéran. En effet, depuis le retrait américain de l’accord sur le nucléaire en 2018 et le durcissement des sanctions économiques, l’Iran s’est plus que jamais retrouvé isolé. De ce fait, les deux pays ont signé en mars dernier un accord sur 25 ans. La Chine prévoit d’investir plus de 400 milliards de dollars dans l’économie iranienne. À en croire les propos de notre interlocuteur, cette coopération pourrait en appeler d’autres à l’avenir.
«La Chine n’a pas de volonté de domination militaire et d’imposer un système politique précis. Elle peut jouir d’une certaine sympathie à l’égard des populations locales. Elle n’agit pas selon un agenda politique particulier, à l’inverse des États-Unis et de leurs questions relatives aux droits de l’homme, elle est dans une stratégie du gagnant-gagnant. Pékin veut faire du commerce et sécuriser ses routes commerciales dans la région, notamment l’accès aux ports et aux différents détroits», conclut-il.