Échauffourées isolées ou nouveau cycle de violences?
Mercredi 16 juin, l’aviation israélienne a effectué une série de frappes aériennes sur des sites de militants du Hamas dans la bande de Gaza. Les premières de ce type depuis qu’un fragile cessez-le-feu a mis fin au conflit avec le Hamas le mois dernier. C’est le premier acte militaire du nouveau gouvernement mené par Naftali Bennett, arrivé au pouvoir dimanche 13 juin à la tête d’une coalition politiquement éclectique.
Ces frappes menées en réponse à des envois de ballons incendiaires envoyés depuis Gaza ont visé des installations utilisées par les militants du Hamas pour se réunir et planifier leurs attaques, a déclaré l’armée israélienne, qui tient le groupe responsable de tout acte de violence émanant de Gaza. Aucune victime n’a été signalée pour le moment.
Test grandeur nature pour le nouveau gouvernement
Officiellement, ces envois de ballons incendiaires étaient une réponse à certains slogans chantés lors de l’annuelle «marche des drapeaux», qui s’est déroulée cette année le 15 juin. Des militants juifs ultranationalistes y ont scandé des slogans hostiles aux populations arabes tels que «mort aux Arabes» ou encore «Shuafat est en feu».
Pour Frédéric Encel, spécialiste du conflit israélo-palestinien, ces envois de ballons incendiaires obéissaient surtout à une logique militaire.
«Il s’agissait d’un test. Le Hamas a voulu jauger le nouveau gouvernement israélien», considère l’auteur de plusieurs ouvrages sur la région, notamment Atlas géopolitique d’Israël. Aspects d’une démocratie en guerre (Éd. Autrement, 2008).
«L’organisation s’est prise en retour des coups très durs, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Hamas a décidé de ne pas monter en tension», ajoute-t-il.
Regain de frappes israéliennes, prélude à des négociations?
Une réalité à laquelle les dirigeants du Hamas vont devoir s’habituer. Selon notre interlocuteur, l’organisation a même beaucoup plus à craindre de cette nouvelle coalition au pouvoir que de l’ancien gouvernement Netanyahou:
«Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Netanyahou essayait de limiter la guerre pour ne pas trop détruire les infrastructures du Hamas de façon à pouvoir dire au monde “regardez, nous sommes toujours sous la menace de ce groupe islamiste et par conséquent nous ne pouvons pas avancer sur un processus de paix.”»
Or, la diversité politique du nouveau gouvernement, qui comprend deux partis de gauche, deux du centre et trois de droite, sans compter le parti islamiste Ra'am, fait qu’il est nécessairement plus enclin à avancer sur un processus politique.
«Avec la nouvelle coalition, on a affaire à des partis qui, pour la majorité d’entre eux, souhaitent à terme discuter et négocier avec l’autorité palestinienne. Nous ne sommes plus dans le même schéma», affirme le maître de conférences à Sciences Po Paris.
Par conséquent, «pour se donner les moyens de discuter avec l’autorité palestinienne, il faut frapper très durement le Hamas, pour lequel aucun des partis représentés dans cette coalition n’a de sympathie.»
Face au nouveau gouvernement, «le Hamas a décidé de ne pas monter en tension»
Une menace existentielle pour le Hamas qui a d’ailleurs «compris, malgré ce que disent nombre d’observateurs, que ce gouvernement risque de durer et qu’il ne poursuivra pas la tactique de Netanyahou», insiste Frédéric Encel. D’après lui, la nouvelle équipe dirigeante à Tel-Aviv met un terme à l’assurance-vie politique du Hamas.
«Cette coalition est une très mauvaise nouvelle pour le Hamas. Avant, ils pouvaient justifier au monde leur existence par la lutte contre un ultranationaliste, dont les seuls alliés sont l’extrême droite et les ultra-orthodoxes», rappelle le géopolitologue.
Selon les derniers bilans, la guerre-éclair du mois de mai entre Tsahal et le Hamas a fait 232 morts côté palestinien et 12 côté israélien. Gare donc à ce que pourrait réserver une nouvelle escalade militaire dans la configuration politique actuelle.