Financement de 4 milliards d’euros de projets: entre la France et l’Égypte, le commerce adoucit les mœurs et plus encore

Avec un engagement de la France pour un «financement de 3,8 milliards d’euros de projets en Égypte», le pays des Pharaons devient désormais «le premier pays en termes d’exposition financière du Trésor». Un rapprochement qui conforte une influence française mise à mal dans la zone.
Sputnik

«Avec ces quatre milliards d’euros de financements, l’Égypte devient un partenaire économique stratégique de la France. […] Elle est désormais le premier pays en termes d’exposition financière du Trésor», a expliqué un Bruno Le Maire euphorique après avoir sécurisé ce dimanche 13 juin au Caire cette nouvelle série d’accords.

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L’accord intergouvernemental stipule que la France financera à des «conditions préférentielles» plusieurs projets en Égypte par l’intermédiaire d’entreprises françaises. Notamment la fourniture par Alstom de cinquante-cinq rames de métro pour la ligne 1 du Caire. Ce qui représente déjà un total de 800 millions d’euros financés par un prêt du Trésor.  

Une victoire pour Bercy, un mois après avoir signé la vente de trente avions de combat Rafale, de missiles et autres équipements auprès de l’Égypte pour un montant de près de 4 milliards d'euros. Un achat réalisé par Le Caire en s'endettant sur une dizaine d'années, à l'aide d'un mécanisme de prêts en grande partie garantis par la France.

Après le militaire, le civil

Paris veut désormais aller plus loin que l’armement. Avec ces contrats dans l’infrastructure et le développement, la «coopération stratégique touche des secteurs de plus en plus variés, qui vont de l’énergie renouvelable à l’assainissement de l’eau, en passant par les transports publics jusqu’au financement de l’université ou de la sécurité sociale», a ajouté Bruno Le Maire après la signature.  

Un approfondissement considérable des relations en seulement quelques mois que Bertrand Viala, le président et fondateur de Battle Tested Consultant, spécialiste en intelligence économique et géopolitique, attribue à une «convergence de facteurs» qui font que «les deux pays ont un intérêt à approfondir leurs relations bilatérales».   

D’un point de vue économique d’abord, l’Égypte est un marché immense et prometteur.

«L’Égypte est un grand pays avec une croissance démographique importante. Elle a ses problèmes, mais restera un grand pays capable d’assumer ses dettes», estime notre interlocuteur.  

Ce dernier ne se fait donc pas de soucis pour le contribuable français qui a garanti les prêts susmentionnés. L'Égypte est en 2017 la première puissance économique du continent africain en matière de PIB à parité du pouvoir d’achat et la troisième en PIB nominal. Un enfant naît toutes les dix-huit secondes dans ce troisième pays le plus peuplé d’Afrique derrière l’Éthiopie et le Nigeria.

Lutte contre le terrorisme islamiste 

Contrairement à celles de ses voisins, l’économie égyptienne est diversifiée. Elle ne dépend pas d’une rente pétrolière. L’activité est structurée autour du secteur manufacturier (16% du PIB), de l’immobilier et de la construction (16%), ou encore du commerce de gros et de détail (14%). Ce qui en fait un partenaire fiable dans la durée.

De surcroît, la France et l’Égypte partagent des intérêts stratégiques cruciaux. En premier lieu, la lutte contre le terrorisme islamiste.   

«Il est très important pour la France, dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme islamiste, d’avoir un partenaire aussi important régionalement que l’Égypte», affirme Bertrand Viala.

Cette relation privilégiée sert ainsi les intérêts de la France. Tant du point de vue des renseignements que peuvent acquérir les services français pour protéger le territoire national que dans la lutte contre les groupes armés au Moyen-Orient.

Influence en Méditerranée orientale

Elle permet aussi de répondre à d’autres dossiers géostratégiques non négligeables pour Paris. L’Égypte est «une grande puissance régionale», rappelle le spécialiste en intelligence économique. Elle est «solidement implantée en Méditerranée orientale».

«Il est très important pour la France de nouer des alliances diplomatiques avec des acteurs de ce théâtre pour se positionner stratégiquement», ajoute-t-il. 

Pour notre interlocuteur, en sécurisant une alliance pérenne avec l’Égypte, la France se donne aussi des atouts dans sa logique de «containment» de la Turquie en méditerranée orientale.

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De surcroît, «la France consolide une continuité d’alliance avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis», analyse notre interlocuteur. En s’appuyant sur le trident formé par Le Caire, Riyad et Abou Dabi, la diplomatie française s’assure des appuis de poids dans le «croissant sunnite».    

L’Égypte joue également un rôle majeur dans la résolution de certaines crises régionales. Comme, dernièrement, entre Israël et la Palestine. Au cours de l’embrasement du mois de mai, les chefs d’État français et égyptien se sont rencontrés. Ils ont souligné de concert «la nécessité absolue de mettre fin aux hostilités». Et ce, en marge d’une visite d’Abdel Fattah al-Sissi pour une conférence internationale à Paris sur l'allégement des dettes du Soudan.

En faisant de l’Égypte son principal partenaire régional, Paris assoit sa stratégie régionale. Un impératif pour Paris qui a récemment perdu pied dans la région. En effet, il n’y a aujourd’hui qu’au Liban «où la France dispose encore de leviers d’influence importants lui permettant de préserver ses intérêts stratégiques et sécuritaires», explique à The Conversation Lina Kennouche, doctorante en géopolitique. Une porte d’entrée très étroite dans une région aussi cruciale. Paris met donc tout en œuvre pour obtenir un autre accès.    

Relation Paris-Le Caire pas toujours cordiale

La relation entre Emmanuel Macron et Abdel Fattah al-Sissi n’a pourtant pas toujours été un long fleuve tranquille. En 2019, lors d’une visite du général à Paris, Emmanuel Macron avait cédé à la pression des ONG et d’une partie de l’opinion. Il n’avait pas hésité à critiquer le bilan du Président égyptien sur les droits de l’homme au cours d’une conférence de presse commune!     

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Une séquence que n’avait particulièrement pas appréciée son homologue. «L'Égypte ne compte pas sur ses blogueurs pour ses réformes économiques et religieuses, mais sur sa persévérance», avait rétorqué le dirigeant égyptien à qui l’Élyséen reprochait les «emprisonnements de journalistes et de blogueurs» qui «n'allaient pas dans la bonne direction» et pouvaient «abîmer l'image de l'Égypte».  

Cette micro-crise diplomatique avait nui à la relation entre les deux pays. À la suite de cet incident, Paris s’est fait doubler par Rome sur plusieurs juteux contrats d’armement. Sans rancune, semble-t-il. Les deux contrats de près de quatre milliards chacun panseront bien des blessures…    

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