«Ognon», «rondpoint», les écoliers suisses astreints à l’orthographe rectifiée

La Suisse introduira les règles de l’orthographe rectifiée dans son enseignement, à l’horizon 2023. Une simplification qui ne fait pas que des heureux.
Sputnik

À l’heure où Genève se barricade pour accueillir une rencontre au sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine, les autorités suisses ont jeté une petite bombe dans le milieu académique. À partir de 2023, l'orthographe rectifiée deviendra en effet la norme pour les écoliers suisses, a annoncé la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP).

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Parmi les nouvelles règles adoptées, le non redoublement des consonnes «l» ou «t» avant un e muet semble la plus déroutante, comme le rapporte Le Temps. Le mot «grelotter» deviendra ainsi «greloter». La plupart des accents circonflexes seront aussi amenés à disparaître des manuels scolaires, sur le modèle de la réforme de l’orthographe décidée en France en 2016. Certains mots composés perdront également leur tiret comme «rondpoint» ou «ping pong».

Cet effort de simplification est justifié par de nouveaux usages de la langue, déjà pris en compte par certains dictionnaires et correcteurs orthographiques, a souligné en conférence de presse Jean-Pierre Siggen, conseiller d’État de Fribourg.

«Le langage n’est ni figé, ni neutre: il a évolué de tout temps et reflète nos mœurs, nos valeurs qui changent aussi», a ainsi déclaré le responsable, appelant à «davantage de cohérence et moins d’exceptions».

Décision controversée

Le projet a cependant ses détracteurs. Certains craignent notamment une forme de confusion, alors que les deux orthographes seront amenées à cohabiter. Les élèves utilisant les anciennes formes ne seront en effet pas sanctionnés, comme l’a précisé la CIIP. L’application de l’orthographe rectifiée à la seule école et non à l’ensemble du cursus interroge également.

«Cette décision ne concerne que l'école obligatoire. Quand les élèves iront à l'université, ils retomberont sur l'orthographe traditionnelle. Quant aux écrits d'Honoré de Balzac, d'Albert Cohen ou de Marguerite Duras, il faudra bien respecter les textes originaux. On ne fait que créer de la confusion» explique ainsi au Point Nadine Richon, journaliste et spécialiste en communication.

D’autres accusent les autorités de tomber dans la facilité, voire de donner dans une forme de «cancel culture» sur le modèle américain.

«L’orthographe est le dépositaire du passé de la langue, on ne peut pas l’effacer ainsi. Au lieu de leur donner les moyens de dépasser l’obstacle, on le supprime. C’est un éternel nivellement par le bas», déclare ainsi au Temps le député genevois Jean Romain.

Des querelles sémantiques qui n’étonneront pas en France, où la réforme de l’orthographe décidée en 1990 a mis plus de 25 ans à voir le jour. Le projet avait finalement été porté sur les fonts baptismaux par Najat Vallaud-Belkacem, en 2016.

L’orthographe n’est d’ailleurs pas la seule à se voir simplifiée de la sorte. Les chiffres ont aussi droit à leur lot de controverses. Plusieurs grands musées comme le Louvre ou le British Museum ont ainsi récemment décidé de ne plus recourir aux chiffres romains sur leurs panneaux explicatifs, pour faciliter la compréhension des visiteurs.

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