Cameroun: un homme écroué après avoir insulté le Président et le gouvernement - vidéo

Un jeune homme a été incarcéré au Cameroun après avoir insulté Paul Biya et son gouvernement dans une vidéo devenue virale. Dans sa sortie, l’individu dénonce notamment la gestion controversée des fonds Covid-19. Les photos de son interpellation humiliante en compagnie de deux autres jeunes ont suscité de nombreuses réactions sur la Toile.
Sputnik

Les images de cette arrestation font encore le tour des réseaux sociaux au Cameroun. On y voit un certain Clément Bonda Ytembe, le principal suspect, en compagnie de ses camarades d’infortune André Waneni et Flavy Kamou assis à même le sol dans les locaux de la gendarmerie de Mbanga, une localité de la région du Littoral.

Les trois individus ont été arrêtés à la suite d’une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans cette séquence, Clément Bonda use de propos pour le moins désobligeants, insulte le Président camerounais Paul Biya et tout son gouvernement. Ses deux «complices» sont poursuivis pour s'être associés au tournage.

Me Fabien Kengne, membre du collectif des avocats des trois détenus, publie ce texte en l'illustrant des photos prises pendant l'arrestation et circulant sur la Toile.

Scandale dans la gestion des fonds Covid-19

Clément Bonda, le personnage central dans cette affaire et qu'on voit sur la vidéo, est employé d’une bananeraie dans cette localité rurale. Dans cet extrait, il dénonce à coups de propos discourtois les conditions salariales des employés de sa structure avant de condamner la façon dont le pays est géré, s'en prenant au Président Paul Biya et à son gouvernement.

«On est ici […], on travaille de 6h à 18h, on nous paie 32.000 FCFA (59 dollars) [le mois]. Vous êtes à Yaoundé, vous volez les 180 milliards (326 millions de dollars). Le gros cul de vos mamans. Allez tourner! [une insulte, en parler local au Cameroun, ndlr], vous et Paul Biya, le gros cul de vos mamans! J’assume ma parole», lançait-il face à une caméra de téléphone visiblement tenu par un de ses collègues, qui seront écroués avec lui.

La date de la première publication de la vidéo remonte au début de la deuxième semaine de juin.

Dans sa sortie, Clément Bonda semble choqué par la gestion des fonds alloués à la lutte contre le coronavirus dans le pays. Une gestion qui fait l’objet d’un scandale financier depuis des mois. En effet, un rapport d'audit de la gestion des fonds du Covid-19 adressé à Paul Biya en mars a récemment fuité et fait vibrer le Cameroun.

Le document incrimine plusieurs ministères et pointe des dysfonctionnements et malversations dans la gestion des fonds, notamment cette enveloppe de 180 milliards de francs CFA (environ 326 millions de dollars), mobilisés par le gouvernement camerounais. Clément Bonda, dénonce donc un scandale de trop, qui selon lui, est source de malheur pour de nombreux jeunes Camerounais croupissant sous le poids de la précarité.

Des réactions fusent de toute part

Dans les heures qui suivent sa diffusion, la vidéo est relayée des milliers de fois. Il n'en faut pas plus pour que dans la nuit du 9 au 10 juin, la police interpelle le jeune homme et deux autres salariés de la même plantation accusés d’avoir pris part à l’enregistrement de ladite vidéo. Ils seront mis sous mandat de dépôt le 11 juin à la prison principale de Mbanga.

Des photos de cette interpellation font le tour des réseaux sociaux depuis lors et suscitent une vague de réactions. On y voit les prévenus par terre, menottés, les traits hagards. Pris en photos, l'intention est clairement de les humilier, d'en faire un exemple, jugent certains internautes et défenseurs des droits humains comme Cyrille Rolande, directrice exécutive de l'ONG Nouveaux Droits de l'homme Cameroun.

Tout en condamnant les propos injurieux tenus, elle estime la réaction des autorités «disproportionnée car à la réalité, on voit bien que ce jeune exprime un ras-le-bol profond face à un grave scandale de détournement de fonds».

«Ce jeune a dit tout haut avec ses mots à lui ce que beaucoup de Camerounais pensent tout bas. Nous pensons que dans un contexte déjà tendu comme c’est le cas en ce moment au Cameroun, il faut éviter les actes qui peuvent susciter une certaine exacerbation», poursuit-elle au micro de Sputnik.

En revanche, pour certains internautes, l'auteur de la vidéo méritait amplement le sort qui lui a été réservé.

«Il est quelle sur ton calendrier?» («Tu dois regretter ce que tu as fait maintenant», en parler local). Cet internaute se moque de l'arrestation, en qualifiant les propos tenus de «haineux» et affichant son soutien au Président.

Un collectif de trois avocats s'est constitué spontanément pour défendre les trois hommes. Ce lundi 14 juin, Clément Bonga et ses deux coaccusés ont comparu devant le tribunal de première instance de Mbanga. Joint au téléphone par Sputnik, Me Fabien Kengne, l’un des avocats constitués pour leur défense précise qu’ils sont accusés de «propagations de fausses nouvelles via les réseaux sociaux» et «d’outrage au Président de la République et aux membres du gouvernement». L'affaire est mise en délibéré et un jugement sera rendu le 17 juin. Ils risquent jusqu'à cinq ans de prison.

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