«Le fascisme a changé de côté, donc je ne suis pas étonné de leurs méthodes».
Autant dire que l’avocat Gilles-William Goldnadel n’y va pas par quatre chemins pour qualifier, au micro de Sputnik, les pratiques de Sleeping Giants. Ce collectif d’activistes anonymes interpelle les grandes marques dont les publicités apparaissent sur ces médias jugés trop à droite ou trop réactionnaires à leurs yeux. L’objectif? S’en prendre au porte-monnaie de médias bien souvent tributaires des revenus publicitaires. Après l'hebdomadaire conservateur Valeurs actuelles, c’est au tour de CNews de poursuivre les Sleeping Giants en justice.
Selon les informations de Valeurs actuelles, le chaîne du groupe Canal+ va déposer trois plaintes: deux pour diffamation, une pour discrimination et entrave à la liberté d’expression.
«Ils savent très bien qu’ils sont dans l’illégalité»
Quelques jours plus tôt, le 4 juin dernier, la société Valmonde et Cie, à laquelle Valeurs actuelles appartient, avait déposé une plainte visant à dénoncer «des faits de discrimination, à raison des opinions politiques, et de nature à entraver l’exercice normal d’une activité économique» dont se serait rendu coupable le collectif.
«Ce sont des actes d’intimidation caractéristiques: ils en sont tellement conscients qu’ils se cachent pour échapper à la justice! Ils savent très bien qu’ils sont dans l’illégalité. Il n’y a que l’extrême-gauche qui peut se permettre ce genre de choses», assène Gilles-William Goldnadel.
Né aux États-Unis au lendemain de la victoire de Donald Trump, les Sleeping Giants version hexagonale revendiquent ainsi un total de 1.700 annonceurs ayant renoncé à faire apparaître leurs réclames sur des médias dits «extrémistes» depuis 2017. Principaux touchés: le site Boulevard Voltaire, créé en 2012 par Robert et Emmanuelle Ménard (qui a vu ses revenus publicitaires chuter de 90%), le site breton nationaliste Breiz Atao, ou encore le site Internet FranceSoir, désormais déréférencé par Google Actualités. Les chaînes de télévision CNews et Paris Première sont quant à elles dans le viseur des «Géants endormis» car elles donnent la parole au polémiste Éric Zemmour.
En octobre 2019, le groupe Ferrero annonçait ainsi sa décision de ne plus passer de publicités avant et après l’émission Zemmour & Naulleau sur Paris Première. En novembre dernier, c’était la chaîne de magasins de sport Decathlon qui retirait définitivement ses annonces sur CNews en raison de «l'orientation délétère» de la chaîne de Bolloré, qui diffuse l’émission Face à l’info avec l’éditorialiste du Figaro.
Quand LREM vole au secours de CNews et de Valeurs actuelles
Rien ne dit toutefois que les plaintes de CNews et de Valeurs actuelles aboutiront. Ne serait-ce que parce qu’il faudrait déjà parvenir à identifier les Sleeping Giants. Potentiellement, il peut s’agir de n’importe quel internaute. «S’il y a une plainte et que les policiers veulent se donner du mal, ils les retrouveront», veut toutefois croire Gilles-William Goldnadel. «Heureusement, l’anonymat n’est pas une garantie d’impunité», poursuit l’avocat.
L’affaire a même pris un tournant politique depuis que le député LREM Florian Bachelier, premier questeur de l’Assemblée nationale, a interpellé le 1er juin dernier le ministre de l’Économie Bruno Le Maire sur les «pratiques illégales de collectifs activistes et cyber-activistes». Pour le député d'Ille-et-Vilaine, les Sleeping Giants constituent de «véritables entraves au principe de liberté d’expression, basées sur la simple qualification des opinions contraires à leur matrice idéologique». Pis, le parlementaire appelle le gouvernement à réfléchir à une potentielle modification du code pénal afin de «mieux prévenir et sanctionner» les pratiques de ces cyberactivistes.