Gifle, enfarinages: la violence a-t-elle pris le dessus sur le débat en France?

Entre la gifle de Macron et les enfarinages, le politologue Pascal Perrineau a analysé sur Europe 1 le contexte de violence qui met à mal le débat démocratique dans l’Hexagone. L’une des réponses serait à chercher du côté de la manière de gouverner d’Emmanuel Macron. Mais certains appellent à relativiser.
Sputnik

La semaine du 7 au 13 juin a vu le Président de la République giflé et deux élus enfarinés, dans un contexte de violence croissante au cours des mois précédents, marqué par les agressions physiques de forces de l’ordre, de pompiers et d’élus locaux. Le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po, y voit deux raisons principales.

«La société française, sous cet aspect, est une société qui ne va pas bien», lance-t-il samedi 12 juin sur Europe 1, affirmant qu’elle ne trouve pas de «véritable débat démocratique».

Concernant ces récents gestes contre des élus, il déplore que l’on «passe à l’acte» pour s’exprimer plutôt que de débattre. Un climat «inquiétant» à quelques jours des élections régionales et à moins d’un an de la présidentielle.

«La société française a beaucoup de mal à trouver cette voie démocratique du débat», ajoute-t-il.

Il explique cela d’abord par les réseaux sociaux, lesquels «énervent beaucoup cet énervement général de la société». «Ces réseaux, c’est souvent le pire en matière de politique», estime-t-il, car ils ne «participent pas à la structuration d’un débat démocratique».

Verticalité du pouvoir

Il cite ensuite un «déficit impressionnant de corps intermédiaires», c’est-à-dire des acteurs qui se font le relais entre le pouvoir et la population (partis, médias, intellectuels).

«On a en haut de la pyramide, un Président qui est censé être tout puissant alors qu'il ne l'est pas. Et en bas, des citoyens en colère, isolés les uns des autres», analyse-t-il, ce qui crée des «conditions pour que le débat devienne quelque peu hystérique».

Emmanuel Macron a été critiqué très tôt dans son mandat pour la centralité et la verticalité de l’exercice de son pouvoir, parfois même qualifié d’autoritarisme. Ces critiques se sont accentuées lors des crises des Gilets jaunes et sanitaire, et ont été émises aussi bien par l’opposition que par le président du Sénat Gérard Larcher ou encore l’ancien Premier ministre Lionel Jospin.

Aggravation par les médias?

«Toute l’attention se porte vers le Président de la République, si bien que les critiques se concentrent sur lui, qui se trouve en première ligne», explique dans Ouest-France le politologue Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au CEVIPOF. Sur la violence dans la société, il appelle davantage à relativiser, pointant le rôle des médias dans «la violence des controverses» et «du débat public».

Même constat du côté de l’essayiste et enseignant à Sciences Po David Djaïz dans Le Monde, qui y ajoute également les politiques et intellectuels. Une vision des choses qui, selon lui, n’est pas observée sur le terrain. «Il y a une majorité silencieuse, recouverte par le bruit et la fureur des extrêmes, des gens énervés, des activistes présents sur les réseaux sociaux, qui n’en peut plus de cette ambiance», estime-t-il.

Discuter