Sur le plan de l’espionnage, «l’Europe, par rapport aux USA, c’est comme la FNAC par rapport à Amazon»

Quelles vont être les conséquences des révélations sur l’espionnage par la NSA de ses alliés européens? Comment l’Europe peut-elle réagir? Analyse d’Antoine Lefébure, historien des médias, au micro de Rachel Marsden.
Sputnik

Les autorités françaises et européennes ont affiché leur surprise à la lecture d’une enquête de la télévision publique danoise (DR), qui a dévoilé que la National Security Agency, l’agence américaine d’espionnage électronique, aurait espionné des responsables européens, dont la chancelière allemande Merkel entre 2012 et 2014.

Pire encore, on apprend que la NSA aurait détourné le système de surveillance électronique du Danemark pour mener à bien ses basses œuvres. Qu’est-ce qui a pu particulièrement intéresser les Jason Bourne de la plus puissante agence d’espionnage américaine?

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Le reportage précise que de hauts fonctionnaires et responsables politiques en Norvège, en Suède, aux Pays-Bas et en France étaient dans le collimateur de l’institution. Pour quelles raisons? Antoine Lefébure, historien des médias et auteur du livre L’Affaire Snowden: comment les États-Unis espionnent le monde (Éd. La Découverte), explique qu’avant tout, le Danemark est un pays très proche des États-Unis et qui participe à tous les efforts militaires américains:

«Par ailleurs, la NSA signe des accords de coopération avec différents pays européens. Ces accords stipulent qu’à partir du moment où, par exemple, le Danemark donne des informations depuis une base danoise, les citoyens danois ne sont pas écoutés. Par contre, si les Américains discutent et négocient avec les Allemands, les Américains peuvent à partir de l’Allemagne écouter le Danemark. Les Américains sont à la fois alliés et surveillants.»

Comment l’Europe devrait-elle réagir devant cette ingérence? Pour Antoine Lefébure, le champ des possibles réponses est très restreint:

«C’est très difficile de réagir parce que tous les pays européens ont des liens avec la NSA et utilisent la NSA pour leurs services d’espionnage et éventuellement aident la NSA à surveiller d’autres pays européens. Mais aucun pays européen ne va protester contre un type d’alliance pratiqué par tous. Les seuls qui tiennent le jeu de manière absolue sont les Américains et la NSA.»

Au vu de ces informations, quid de la souveraineté des pays européens? L’historien fait remarquer que l’autonomie de l’Europe sur ce plan-là est très réduite:

«Les pays européens par rapport aux États-Unis, dans ce domaine-là, c’est un peu comme la FNAC par rapport à Amazon. On est cent fois plus petits, on a moins de moyens avec des logiciels beaucoup moins développés. On a donc besoin de tout le système de logiciels américains pour pouvoir traiter ces grandes bases d’informations. Par exemple, les Français utilisent l’aide américaine contre le terrorisme au Sahel, donc ils peuvent difficilement protester auprès de la NSA quand ils sont eux-mêmes espionnés», explique Antoine Lefébure.
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