Andrés Manuel López Obrador, que certains qualifient de «Donald Trump mexicain» pour son style populiste a-t-il tenu sa promesse électorale de transformer le Mexique en faveur des exclus et de lutter contre la corruption et les inégalités?
À en croire les résultats provisoires des élections législatives de mi-mandat du 7 juin dans le pays, la réponse des Mexicains serait mitigée. Morena, le parti présidentiel, aurait perdu la majorité absolue et la majorité qualifiée des deux tiers qu’il détenait avec ses alliés. Il pourrait néanmoins conserver une majorité relative au Parlement.
L’écart entre ces résultats assez moyens et les gros titres des médias occidentaux, qui laissent croire que le mandat d’AMLO est un désastre, est cependant frappant. The Economist a ainsi titré: «Les électeurs doivent mettre un frein à la soif de pouvoir du Président mexicain». Le magazine estime qu’il «n’a pas amélioré la vie des gens» et qu’il ne constitue rien de moins qu’un «danger pour la démocratie mexicaine». Jean-Louis Martin, économiste spécialiste de l’Amérique latine, explique que le dernier scrutin n’a pas du tout désavoué AMLO:
«Même si la cote d’AMLO a un peu reculé au Mexique, il reste très populaire après trois ans au pouvoir. Je ne crois pas, contrairement à The Economist, que Lopez Obrador soit la principale menace pour la démocratie dans son pays. La menace, c’est le trafic de drogue, c’est l’existence de cartels et la corruption.»
En effet, les cartels mexicains de la drogue sont passés à la haute technologie avec le déploiement de leurs propres drones aux États-Unis et au Mexique. Peut-on lier cela au mandat d’AMLO?
«Ces cartels sont des entreprises très créatives. Ils n’ont pas de difficulté à s’équiper en matériel. Mais le trafic de drogue n’a pas commencé avec l’élection d’Andrés Manuel López Obrador et je ne suis pas certain qu’il y ait de changement radical car le Mexique est un État fédéral et la corruption du pouvoir par les cartels se fait beaucoup au niveau local. L’État central ne peut pas tout contrôler dans les États. Donc tout ne dépend pas d’AMLO. Pour lutter contre les cartels, cela supposerait des changements, pas seulement au Mexique, mais aussi aux États-Unis sur deux sujets notamment: les drogues et les ventes d’armes. Après, le Président mexicain n’est pas non plus complètement impuissant, il a des moyens d’action sur la force publique.»
Au-delà de la propagande, quel est son véritable bilan de mi-mandat? L’expert souligne une prudence de la part d’AMLO envers les réformes promises lors de sa campagne:
«Malgré ses promesses, il n’a pas réussi à changer la société mexicaine. Il a augmenté le salaire minimum, mais le pouvoir d’achat des Mexicains reste très faible. Il s’est montré assez naïf sur le plan de la corruption aussi. Il a, je pense, fait une analyse des autres expériences de gauche en Amérique latine et s’est aperçu que beaucoup de gouvernements sont tombés à cause des questions financières. Les déséquilibres financiers sont souvent fatals aux gouvernements de gauche parce que les marchés financiers ont assez peu de sympathie pour ce type d’expérience. De fait, AMLO avait promis de ne pas faire de réforme fiscale pendant trois ans pour se ménager les milieux financiers. Pour moi, c’est une erreur car maintenant il va être beaucoup plus difficile de les mettre en place.»